Richert veut voir plus loin Le président de la Région Alsace, qui a rencontré le propriétaire du RCS Jafar Hilali mardi dernier à Paris, estime que l’abandon de la candidature de Strasbourg à l’Euro 2016 mérite d’être reconsidéré, mais avoue ne pas avoir de recette miracle.
« L’information parue dans « L’Alsace » jeudi m’a un peu pris de court. » Philippe Richert n’avait rien contre le fait de communiquer sur sa rencontre avec Jafar Hilali à Paris mardi dernier. La preuve : il avait lui-même immortalisé, via son Iphone, son rendez-vous avec le propriétaire du Racing, accompagné de l’ex-président Jacky Kientz qui mène depuis début juillet une mission de conseil auprès de l’homme d’affaires londonien. Mais après la parution de la nouvelle dans nos colonnes (1), le président de la Région Alsace n’a pas eu besoin de se manifester auprès des médias. Ces derniers l’ont contacté pour en savoir plus.
En savoir plus, c’est précisément ce qu’attend Philippe Richert, disposé, le cas échéant, à apporter l’écot de la Région à la relance de la candidature strasbourgeoise à l’Euro 2016. « Il va falloir faire vite », reconnaît-il, « sachant que les dossiers doivent être déposés pour février (2) . »
Philippe Richert, comment est née cette rencontre avec Jafar Hilali ?
Le vendredi précédent, j’ai reçu le président Jean-Claude Plessis et le président de l’association support RCS, Patrick Spielmann, en charge du centre de formation que la Région finance. Je suis outré de la situation actuelle du club. J’ai vraiment du mal à m’y retrouver et l’ai dit sans détour à Plessis, d’autant que depuis le début de l’agitation, personne du Racing n’avait jamais contacté notre collectivité. Vous savez, je vais à la Meinau depuis que j’ai 10 ans. J’aime le foot. Encore aujourd’hui, je m’y rends deux à trois fois par an. Quand j’étais gamin, nous nous y déplacions avec mes trois frangins. En rentrant, nous mangions une belle omelette. Le Racing évoque chez moi tout un pan d’enfance.
« Le Racing sans l’Alsace, ça ne marche pas »
Mais au-delà de ça, j’ai assisté ces derniers temps à une succession d’événements et de déconfitures inadmissibles. Dans un passé pas si lointain, quand, par malheur, le Racing descendait en Division 2 et s’y retrouvait 5 e, toute l’Alsace gueulait. Là , on parle d’un club qui, avant sa victoire contre Colmar, à laquelle j’ai assisté, était 19 e de National. Que le Racing végète en National, c’est inimaginable. À la fin de la discussion, Plessis a suggéré l’entrevue avec Hilali. Ça s’est fait trois jours plus tard.
Qu’en avez-vous retiré ?
Je ne vais pas me targuer de connaître ce monsieur mieux que quiconque après une seule rencontre, mais j’avais lu beaucoup de choses sur lui et l’image qu’il m’a donnée n’y correspond pas. J’ai trouvé un interlocuteur raisonnable, ouvert, dont les analyses m’ont paru justes, qui a reconnu qu’indiscutablement, il avait commis des conneries et maladresses depuis son arrivée. Il m’a assuré vouloir tout faire pour que l’équipe ne moisisse pas en National.
Il vous a aussi dit être prêt à trouver des investisseurs privés pour financer la rénovation de la Meinau ou la construction d’un nouveau stade et relancer ainsi la candidature de Strasbourg à l’Euro 2016, abandonnée par la municipalité mi-juillet…
J’ai le sentiment que ce dossier mérite qu’on le creuse un peu plus, qu’on n’est pas allé aussi loin qu’on l’aurait pu. Soit dit en passant, j’ai appris dans la presse l’abandon de la candidature strasbourgeoise alors que quelques mois plus tôt, la Ville m’avait demandé de venir publiquement la soutenir, ce que j’avais fait. Pour l’instant, je n’ai aucun dossier en main, mais après avoir discuté avec le propriétaire, le maire et des investisseurs potentiels, je crois vraiment que ça vaut la peine d’aller plus loin. J’ai d’abord pris la précaution de m’assurer que Roland Ries et Jacques Bigot (président de la CUS) n’avaient pas définitivement fermé la porte. De toute façon, l’avenir du Racing ne peut être engagé sans la Ville. Tout comme Hilali a bien compris que le RCS sans l’Alsace, ça ne marche pas.
Dans votre esprit, que signifie « aller plus loin » ?
Disposer d’évaluations précises sur le coût d’un stade, les perspectives de développement du club et les synergies à mettre en place entre partenaires publics et privés.
Vous n’êtes pas sans savoir que l’ardoise initiale de construction d’une telle enceinte subit souvent une nette inflation en cours de réalisation ?
Oui et c’est bien pour ça que nous, collectivités, ne prendrions à notre charge que les aménagements extérieurs, car les coûts en sont maîtrisables. Les collectivités n’ont pas à prendre de risques sur l’équipement lui-même. Ce n’est pas leur vocation, mais celle d’investisseurs privés.
Qu’attendez-vous aujourd’hui ?
On me parle de 160 millions. Mais en Allemagne, pas loin de chez nous, on construit des stades pour 60 à 80 millions. Pourquoi ce qui est possible là -bas ne le serait pas ici ? J’aimerais qu’on m’apporte des éléments de comparaison avec ce qui se fait chez nos voisins.
« Va-t-on se marquer à la culotte ? »
Je ne suis pas une fée qui claque des doigts pour régler tous les problèmes. Je n’ai pas de solutions aujourd’hui et le propriétaire du Racing ne m’a pas donné d’éléments chiffrés. Mais je suis prêt à entrer dans un débat dans lequel beaucoup de gens sont intervenus, trop sans doute parce qu’on a souvent eu une impression de cacophonie. 2016, c’est dans six ans et on peut légitimement penser et espérer que le Racing sera alors revenu en Ligue 2, voire en Ligue 1. Avec Roland Ries et Jacques Bigot, nous avons discuté. Parce que je souhaitais voir si au-delà des antagonismes et difficultés, nous pouvions construire. Je leur ai dit : « Va-t-on se marquer à la culotte ou travailler ensemble ? » Nous avons conclu que ce qui compte, c’est d’avancer.
Recueilli par Stéphane Godin
(1) Hilali avait dévoilé l’entrevue la veille au soir sur le site internet du Kop Ciel et Blanc.
(2) La désignation des neuf stades retenus pour l’Euro interviendra le 28 mai 2011.