Article du journal Sud-Ouest sur la nouvelle tribune Jackson :
Voici l’équipe du Stade Rochelais en 1906 avec George-Henry Jackson tout à gauche. Après avoir lancé la section rugby en 1902, l’Américain en sera président de décembre 1904 à avril 1911. Une loi américaine le forcera à démissionner.
La nouvelle tribune George-Henry Jackson du stade Marcel-Deflandre devrait être opérationnelle samedi pour permettre à 2 516 Rochelais supplémentaires de supporter les Jaune et Noir face à Toulouse. Mais les personnes qui s'installeront dans cette tribune, pour le grand retour de La Rochelle en Top 14 , savent-ils pourquoi celle-ci porte le nom de George-Henry Jackson ? La question peut même être élargie : pourquoi ce consul américain à La Rochelle, entre 1898 et 1914, est-il essentiel dans la longue histoire du Stade Rochelais ? La réponse est simple : « Jackson a lancé le rugby à La Rochelle en 1902, en développant la section rugby du club omnisports », raconte Marcus Bruce. Ce professeur américain à l'université de Bates, dans le Maine, étudie actuellement la vie du consul, né en 1863 à Natick (Massachusetts) et mort en 1943 à Los Angeles (Californie). « Diplômé en médecine d'une université américaine, dans un contexte compliqué à l'époque pour les Africains-Américains (esclavage et ségrégation), George-Henry Jackson est arrivé à La Rochelle en tant que consul en mars 1898 », ajoute Marcus-Bruce.
« Son arrivée coïncide avec la création du Stade Rochelais en 1898 où nostalgique d'un jeu de football-rugby, qu'il a connu à l'université, il s'implique aussitôt dans cette nouvelle société de sports athlétiques et pèse de tout son charisme sur la vie associative et sportive locale », souligne l'historien rochelais Jean-Michel Blaizeau, dans son prochain livre sur l'histoire du club.
En 1902, l'Américain développe donc le rugby au sein de cette section omnisports. Pour quelle raison ? « Jackson avait cinq enfants et il voulait notamment que son fils aîné puisse jouer au rugby, car selon lui, la pratique de ce sport est noble, mentale et physique », explique Marcus Bruce. Le rugby était également un moyen de se faire remarquer par les universités anglaises, adeptes du ballon ovale : « En effet, il voulait envoyer son fils à la célèbre université anglaise d'Oxford où le rugby était pratiqué », précise Marcus Bruce.
Son implication augmente encore un peu plus en décembre 1904, quand il devient président du Stade Rochelais. Durant sa présidence, il a notamment amené des joueurs anglais à La Rochelle et « il s'est efforcé de prouver les bienfaits de la pratique sportive générant une éthique morale tout autant qu'une discipline individuelle », souligne Jean-Michel Blaizeau.
Sa passion pour le rugby et le Stade Rochelais est finalement freinée par une loi américaine interdisant à « un représentant de l'État américain de s'impliquer dans une association locale », raconte Marcus Bruce. Le 26 avril 1911, George-Henry Jackson est donc contraint de laisser sa place, mais devient président d'honneur.
Son aventure rochelaise se termine définitivement trois ans plus tard : « En 1914, il est forcé de démissionner de son poste de consul, rapporte Marcus Bruce. Certains disent au contraire que Jackson a démissionné sans y être forcé, car il ne voulait pas représenter le système en cause de la ségrégation. »
Ainsi se termine l'histoire rochelaise de « la première figure emblématique du Stade Rochelais », selon Jean-Michel Blaizeau. Une histoire avec laquelle renouent ce samedi les Jaune et Noir. Cent ans après la fin de son passage marquant à La Rochelle, l'initiateur du rugby dans la cité maritime a (enfin) sa tribune.
Léo Schmitt