Grand Stade. Les grands groupes du Nord ne jouent pas le jeu
ajouté le 8 juin 2012
À deux mois du coup d'envoi du nouveau Grand Stade lillois, les entreprises entrent en jeu. Où en est la commercialisation des loges? Qui sont les grands absents? Le chantier a-t-il tenu toutes ses promesses?
Le 18août, sauf événement exceptionnel, le Losc jouera bien son premier match à domicile de la saison de Ligue1 sur sa nouvelle pelouse du Grand Stade, à Villeneuve-d'Ascq. Après plus de deux ans de travaux, le nouvel antre du football lillois va ouvrir son arène hybride. Pour la boîte à spectacles modulable (concerts, galas sportifs...), il faudra encore attendre l'automne. Inauguration avant fin 2012, c'est promis! Comme les footballeurs, les chefs d'entreprise attendent avec impatience de découvrir le premier stade de France avec toit ouvrant. «Les premiers visiteurs sont bluffés... Certains disent que ce n'est pas un stade, mais une salle de concert dans laquelle on jouera au football», confie volontiers Bertrand D'Hérouville, président d'Elisa, la société maître d'ouvrage et concessionnaire des lieux pour 30ans, sous tutelle d'Eiffage.
Sur 10€ dépensés sur le chantier, 7€ pour la région Pour Elisa, le chantier est déjà un succès. «C'est un chantier qui a profité au Nord-Pas-de-Calais», se félicite Bertrand D'Hérouville qui dit avoir largement dépassé les 30% de business contractuels réservés aux PME régionales. Quand dix euros ont été dépensés, sept sont même restés dans la région, d'après ses calculs. En 14mois de travaux, son pavillon d'accueil provisoire a aussi accueilli plus de 80.000visiteurs. Le Grand Stade attire déjà tous les regards. Pas encore toutes les convoitises... Y investir ou pas? Beaucoup d'entreprises se posent la question. Certaines PME, et même de grands groupes y compris bancaires, trouvent la note trop salée.
Ticket d'entrée: 70.000euros «À 100.000euros la loge (Ndlr, 70.000euros en fait, et jusqu'à 180.000euros), le ticket d'entrée est trop élevé», entend-on dans les milieux économiques. «Une PME nous a proposé de se mettre ensemble pour partager la note. Pourquoi pas à quatre même, mais pour l'instant c'est non!», indique pour sa part Valérie Doussinault, directrice de l'agence de publicité lilloise Nikita, qui s'est finalement rabattue sur le rugby, «plus accessible», et le Lille Métropole Rugby (LMR) signe aussi une belle saison.
Déjà un succès, mais...
Aux dires d'Elisa et de la société Grand Stade Rayonnement (GSR), chargée de la commercialisation auprès des entreprises et sponsors, celle-ci n'a pourtant posé aucun problème. Il resterait même «moins de 20%» des espaces à commercialiser... En fait, ce sont «90% de réservations» enregistrées pour les 64loges individuelles privatives, selon Guillaume Gallo, directeur de GSR qui se félicite de cette «mobilisation». Côté supporters, le Losc comptabilise déjà 25.000abonnés de toute l'Eurorégion (une nouveauté) contre 14.000cette saison, sans Grand Stade. «C'était mon objectif et nous serons au-delà .»
«Dubitatif» S'il ne constate pas de typologie de client B to B en particulier, Guillaume Gallo est «dubitatif» quant à certains vides: «TPE, PME, artisans, multinationales, tout le monde est chez nous sauf les plus grands groupes de la région. Les géants industriels du Nord sont les grands absents! Lyon a Danone, Marseille Sodexo... Je n'ai pas d'explication et nous ne comprenons pas leur opposition au projet. Avec eux, nous ferions le plus grand club du pays en terme économique, titillant même Paris...»
Futur haut lieu de business Quoi qu'on en pense, le Grand Stade sera «inévitablement un nouveau lieu de business». Dixit Jean-Pierre Guillon, patron du Medef régional. Pour lui, point de grande métropole sans facteurs d'attractivité que sont les stades, au même titre que les aéroports, les opéras... «Dès l'instant où il y aura des événements, il y aura des entreprises pour le business et pour l'amplifier.» Guillaume Gallo le confirme: «Ce sera le réseau le plus puissant au nord de Paris et au sud de Bruxelles, le premier réseau d'affaires en France dans un stade: the place to be!», argumente-t-il chiffres à l'appui. «Nous aurons en moyenne 4.000VIP. À titre de comparaisons, la finale Lille-Paris avait réuni 5.500 VIP au Stade de France, et le RC Lens en réunissait 2.500 à sa belle époque...» Sans compter les deux millions de personnes qui afflueront à l'année dans la zone commerciale alentour.
76loges privées ou collectives Qu'elles soient privatives ou mutualisées, en attendant, les loges prennent forme. Pour l'instant, c'est le chantier et quelque 1.400ouvriers travaillent encore sur place. Au nombre de 76, elles se répartissent en 64loges dites «classiques» (de 12 à 20places), 12collectives derrière les buts (48 à 96places) et quatre grands salons collectifs. Là encore, des entreprises jugent les loges trop grandes et l'engagement pour trois saisons sans doute contraignant. Mais tout est prévu. Beaucoup joueront collectif et d'aucuns disent que le «réseautage» sera meilleur et financièrement plus abordable dans les loges mutualisées (compter 200 à 250€ HT la place par match). Autre formule à la carte: les salons collectifs, de 1.500 à 10.000€ la saison. En plus des 25 à 30matches du Losc, le Grand Stade doit aussi accueillir 15 à 20 grands événements, culturels ou sportifs, qui restent à commercialiser. Sans oublier les séminaires et autres conventions d'entreprises qu'il faut vendre. «C'est un projet qui va vivre tous les jours», se réjouit pour sa part Bertrand D'Hérouville.
10.000m² d'espaces réceptifs
Le Grand Stade compte 10.000m² d'espaces réceptifs et 18.800m² annexes autour avec hôtels, restaurants, boutiques... De ce côté-là , la commercialisation est allée bon train. Ne reste plus qu'un lot restauratif. La concession pour la restauration intérieure au Stade a d'ailleurs été confiée pour dix ans à Saveurs d'Evénements (groupe Casino) à Saint-Etienne. Quant aux deux hôtels voisins (99chambres de deux étoiles et 127chambres de trois étoiles), ils ont vite trouvé preneur auprès de B & B et Park Inn.
Le «naming» au point mort
Pour l'instant baptisé Grand Stade Lille Métropole, le chaudron n'attend plus qu'un sponsor pour lui donner un nom. Le nouveau stade duMans s'est ainsi transformé en MMArena. Pas sûr d'ailleurs que ce sponsor y trouve son compte vu l'année noire que vient de vivre le MansFC. À Lille, l'opération de «naming» n'est pas un succès. Les entreprises sont frileuses. Comptez tout de même entre trois et quatre millions d'euros par an pour inscrire votre nom sur le stade. Et le contrat dure dix ans, même s'il peut sans doute être révisé à cinq ans... Les grands industriels du Nord se réservent peut-être après l'ouverture test, qui sait?
Géry Bertrande
http://www.lejournaldesentreprises.com/ ... 154400.php