Je lis ce topic assez souvent car c'est clair que l'idée d'un 2ème stade à + de 80 000 places à Paris a de quoi soit surprendre, soit enthousiasmer, soit estomaquer, soit inquiéter.
Les problématiques qu'il engendre telles, que la lutte commerciale entre 2 "méga" stades mais également l'idée de devoir (ou pouvoir?) rationaliser la construction de tant d'enceintes dans la capitale, l'effet "éléphant dans un magasin de porcelaine" face aux autres projets, font de ce stade un sujet vraiment intéressant.
De plus, j'apprécie les argumentations pertinentes et instructives des intervenants comme, entre autres, Watson, Personne, Alex, et j'en oublie ....
J'ai lu le topic en entier et je n'ai pas grand chose à rajouter (je ne serai d'absolument aucune utilité sur les débats comptables ou économiques
) mis à part cet article paru récemment sur challenges.
Un petit condensé assez bien fait avec mise à jour légère des positions des acteurs de ce dossier.
Salutations rugbystiques
http://www.challenges.fr/sport/20120522 ... ndant.html------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Avec le Grand Stade, le rugby français se rêve indépendantPar Jérôme Lefilliâtre
ENQUETE Alors que le PSG veut reconstruire le Parc des Princes, la Fédération française de rugby projette de bâtir sa propre enceinte de 80.000 places au sud de Paris. En dépit des incertitudes économiques et des oppositions politiques.
Serge Blanco le jure droit dans les yeux: "Nous irons jusqu'au bout." Au bout, c'est un projet gigantesque, qualifié d'ambitieux par ses défenseurs, et de fantasque par ses détracteurs: la construction d'ici 2017 ou 2018 d'un grand stade de 82.000 places, dont la Fédération française de rugby (FFR) sera propriétaire. L'ancien arrière de Biarritz et des Bleus, qui siège aujourd'hui au comité directeur de la FFR, où il porte le projet, répète qu'il ne bluffe pas. L'objectif est de "développer le rugby" en lui donnant les moyens d'accompagner financièrement la progression du nombre de licenciés. Et "rien ne pourra empêcher notre grand stade de voir le jour", prévient Serge Blanco.
Pourtant, quand le président de la FFR, Pierre Camou, a éventé cette idée, il y a deux ans, personne ne le prenait au sérieux. Pour tous, il cherchait seulement à mettre la pression sur le Stade de France pour faire monter les enchères. Longtemps, on a regardé de haut ce Basque intransigeant qui s'était mis en tête de diriger sa Fédération comme une "entreprise". "Or une entreprise ne peut se développer si elle n'a pas la maîtrise de son outil de production", explique l'ancien directeur de la banque Inchauspé. Comprendre: il lui faut posséder une enceinte qui lui fournisse les recettes à la hauteur de la nouvelle popularité du ballon ovale, en passe de détrôner le ballon rond. "C'est une vision à cinquante ans", poursuit le stratège de Saint-Jean-Pied-de-Port.
600 millions d'euros à trouverLa FFR a vu grand: elle projette de bâtir un stade de plus de 80.000 places doté d'un toit rétractable et d'une pelouse amovible, une enceinte qu'elle veut "ultramoderne" et "révolutionnaire", unique en son genre en France, pouvant autant accueillir des matches de rugby et de football que des rencontres de handball et de basket, des meetings d'athlétisme, des foires et des méga-concerts.
Blanco et Camou, qui ont visité une trentaine de stades et de salles de spectacle dans le monde, ont quelques références en tête: le Millennium de Cardiff, le Staples Center de Los Angeles, l'O2 Arena de Londres, l'Allianz Arena de Munich... L'idée de la FFR est d'en faire davantage qu'un stade; il doit devenir un lieu de vie, garni de restaurants, de boutiques, d'attractions, de musées... Une pépite commerciale, où les VIP trouveront tout autant leur bonheur en loges que les supporters dans les travées.
Coût total du chantier: 600 millions d'euros! Rien que ça. La FFR prévoit d'injecter 150 à 200 millions d'euros de sa poche, le reste provenant du "naming" (une pratique publicitaire permettant à un sponsor de donner son nom à un lieu public), d'emprunts et de partenaires privés. "L'Etat ne peut plus subventionner le rugby français", justifie Serge Blanco.
A Orly ou à Evry ?La FFR, qui compte organiser une vingtaine d'événements par an pour rentabiliser son investissement, s'est offert les services de McKinsey, Deloitte, PricewaterhouseCoopers et AEG Facilities pour monter le projet. Trois groupements d'architectes ont déjà été présélectionnés. Deux sites en région parisienne se disputent le stade: Thiais-Orly (Val de Marne) et Ris-Orangis-Evry (Essonne). La FFR doit choisir l'heureux élu à la fin du mois de juin, lors de son congrès à La Baule. Thiais-Orly profite d'une belle situation géographique bien desservie par les transports, mais Ris-Orangis-Evry offre beaucoup d'espace dans une zone peu urbanisée.
Si Serge Blanco assure qu'aucun des deux candidats n'a encore l'avantage, il confie "avoir besoin de mètres carrés" pour réussir ce pari fou. Avantage Ris-Orangis-Evry? Il n'a pas dû échapper aux dirigeants du rugby que le nouveau ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, maire d'Evry, défend ardemment la candidature du site... Un tel soutien ne peut pas faire de mal.
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Le Stade de France se gave"Surtout que les oppositions sont nombreuses. A commencer par celle du Stade de France, qui craint de perdre son attraction la plus profitable. "Si les deux stades doivent coexister, les deux stades mourront", prédit le directeur général délégué du Stade de France Philippe Auroy, qui s'échauffe dès qu'on lui parle du projet de la FFR. Entre les deux parties, les relations sont orageuses. Les dirigeants de la FFR accusent le Stade de France de ne pas les respecter, et le Stade de France reproche à la FFR de ne pas vouloir négocier.
A l'origine du conflit, une convention signée en 1998 (une époque où le rugby n'était pas encore un sport majeur), qui arrive à échéance en 2013. Elle prévoit que la FFR doit louer le Stade de France 400.000 euros pour chaque match qu'elle y organise, à quoi s'ajoutent des frais divers (sécurité, etc.). En échange, elle reçoit les trois quarts des recettes de billetterie, mais ne touche rien sur la publicité commercialisée dans le stade ou les loges qui sont louées pour l'occasion. Au final, plaide la FFR, une rencontre de l'équipe de France à Saint-Denis lui permet tout juste de couvrir ses frais, quand le Stade de France empoche, selon nos calculs, entre 2 et 3 millions d'euros à chaque fois. "Ils se gavent", résume Serge Blanco.
En 2010, alors que la négociation pour une nouvelle convention au-delà de 2013 était avancée, Pierre Camou a mis les pieds dans le plat en réclamant 146 millions d'euros d'indemnités compensatoires pour le manque à gagner sur 15 ans. Les discussions ont été rompues. C'est à ce moment que l'idée du grand stade est né dans la tête du président de la FFR.
Quand Bercy rentrera dans la danse...Depuis, le projet a avancé, et le Stade de France a proposé de revoir le contrat. "On est ouvert à tout", assure Philippe Auroy, qui se dit prêt à revoir le partage des recettes de billetterie, de la publicité et des loges, et même le loyer. Comme le révélait Challenges dans son édition du édition du 10 mai, le consortium de Saint-Denis est allé jusqu'à proposer de verser 6,5 millions d'euros par an à la Fédération, comme elle le fait depuis 2010 pour la Fédération française de football. Têtue, la FFR n'a pas répondu.
Spectateur du duel, l'Etat assiste impuissant à ce dialogue de sourds. Et s'inquiète à l'idée que dépérisse un Stade de France qu'elle a subventionné depuis 1995 à hauteur de 251 millions d'euros, dont 60 millions au titre d'indemnités en l'absence d'un club résident. Une clause du contrat de concession prévoit en outre que l'Etat, qui touche la moitié du résultat avant impôt du Stade de France, doit verser 1 million d'euros au consortium si un match de la FFR se déroule en Ile-de-France dans un stade de plus de 30.000 places. On imagine mal Bercy laisser faire...
Une solution pourrait être d'installer le PSG au Stade de France: les propriétaires qatariens du club, qui trouvent le Parc des Princes trop petit, laissent régulièrement planer la possibilité d'un déménagement à Saint-Denis... En attendant, l'ancien ministre des Sports David Douillet a demandé peu avant son départ une "remise à plat générale" du modèle économique du Stade de France, en évoquant une entrée au capital de la FFR, arguant par ailleurs que son projet de grand stade n'était "pas raisonnable".
Le milieu du rugby pas vraiment convaincuL'ancien judoka a dit ce jour-là tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Y compris dans le milieu de l'ovalie. Le président de la Ligue nationale du rugby, Pierre-Yves Revol, affiche un soutien très mesuré: "Si ce projet est économiquement viable, ce sera bien pour le rugby français. Mais je ne connais pas suffisamment l'économie du projet pour être péremptoire."
Car de multiples doutes subsistent. La FFR parviendra-t-elle à trouver 600 millions d'euros à l'heure où les grands projets architecturaux peinent financièrement, de même que les marchés de l'hospitalité (loges), du spectacle et des centres commerciaux? Les spectateurs de rugby passeront-ils la journée dans les boutiques et les restaurants de l'enceinte, comme l'espère la FFR, alors que la France ne se distingue pas par sa "culture stade"? Si Ris-Orangis-Evry est choisi, la desserte du site, difficile aujourd'hui, sera-t-elle à la hauteur? Le grand stade ne souffrira-t-il pas de la concurrence des autres enceintes de la région parisienne (Parc des Princes, Jean Bouin, Bercy, Arena 92, Charléty...)? "Pour moi, le contexte économique est tout sauf favorable pour un financement public comme privé d'une telle envergure, met en garde l'économiste du sport Jean-François Bourg, interrogé par l'AFP. En outre, le stade de la FFR, s'il voit le jour, va déstabiliser l'économie de toutes les autres enceintes de la région."
Officiellement, le président du Racing Métro 92, Jacky Lorenzetti, qui a lui aussi le projet de construire un stade polyvalent de 30.000 places à La Défense (l'Arena 92), soutient l'ambition de la FFR "si cela permet au rugby de mieux se porter". Mais l'ancien patron de Foncia suggère quand même à la FFR de réféchir à une autre possibilité: racheter le Stade de France! "Si le PSG se décide à rester au Parc des Princes, le Stade de France est libre... Il y a une cohérence à trouver." Avis aux amateurs, le Stade de France, détenu en concession à 67% par Vinci et 33% par Bouygues, est valorisé 450 millions d'euros, selon Philippe Auroy. C'est toujours 150 millions de moins que le grand stade de rugby...
Jérôme Lefilliâtre