« Le Grand Stade sera très important pour la novation qu'il apporte »
| INTERVIEW |
Voisine du Lutécia et du Bon Marché, dans les beaux quartiers parisiens, l'agence d'architectes Valode et Pistrea pignon sur rue. C'est à elle qu'Eiffage a confié la conception du Grand Stade, pour la plus grande fiertéde Denis Valode. Entretienavec un maître de l'art, salué dans le monde entier.
> Parmi tous les projets déployés par votre agence à travers le monde, depuis 1980, on trouve des hôpitaux, des cinémas, des musées, des tours... mais aucun grand équipement sportif. Pourquoi avoir concouru pour celui de Lille ?
« Cela faisait un moment que nous voulions faire un stade. Nous étions finalistes pour le Stade de France, d'abord à Meulun-Senart puis à Saint-Denis. Nous avions alors ressenti une certaine frustration (sourire). D'une certaine manière, le Grand Stade de Lille est non une revanche, le mot serait peut-être trop fort, mais disons une satisfaction intense. »
> Quelles sont les innovations architecturales et technologiques dont vous êtes le plus fier dans le Grand Stade de Lille Métropole ?
« Il y a plusieurs choses. D'abord le stade s'ouvre et se ferme, ce qui est inédit en France, même si c'est maintenant répandu aux États-Unis et un peu en Europe.
En revanche, la boîte à spectacles, elle, est unique au monde. C'est le stade qui se prolonge sous le sol. Dans le concours, le programme exprimait l'idée de la plus grande polyvalence. Jean Nouvel, pour le Stade de France, avait imaginé des gradins rétractables. Nous, nous avons soulevé la pelouse ! Nous proposons une variété de jauges et de spectacles qui apportent la réponse absolue à cette exigence de polyvalence. Autre chose : l'enveloppe du stade.
Elle est constituée de tubes striés qui jouent le rôle de cataphotes (système optique renvoyant la lumière). La nuit, quand on l'excite avec des éclairages, elle peut prendre toutes les couleurs. Cela non plus, ça n'existe pas ailleurs dans le monde. Et probablement pas dans notre galaxie ! »
> Y a-t-il des idées que vous n'avez pas pu développer, faute de moyens ?
« Non, nous les avons toutes développées ! Faire de l'architecture, c'est avoir un rapport avec le réel. Nous sommes attachés à l'idée de faire. Il n'empêche que nous sommes allés plus loin que nos concurrents. Pourquoi avons-nous gagné ? Grâce à l'image, d'abord ! Le Grand Stade est capable de devenir un symbole de la métropole, identifiable aux yeux de tous. La flexibilité de l'objet, ensuite, a séduit sans aucun doute. Et enfin, la dimension économique. »
> Aviez-vous l'ambition de créer un modèle planétaire de stade du XXIe siècle ?
« Aujourd'hui, nous sommes engagés sur d'autres concours pour des stades, à l'étranger, mais aussi à Bordeaux et pour la rénovation du Parc des Princes. Cela veut dire que pour nous, le XXIe siècle ne va pas s'arrêter à la construction de Lille, notre modèle original a capté l'attention. C'est vrai qu'à Gelsenkirchen, en Allemagne, la pelouse est également amovible, mais elle sort carrément de l'enceinte (Pour lui permettre de respirer). Nous aurions pu le faire, car il y avait de la place. Mais cela aurait handicapé l'avenir en immobilisant une surface très importante. Pour moi, cela a même été un péché urbain. »
> Comprenez-vous les opposants qui jugent ce projet pharaonique, trop coûteux pour les finances publiques, et que leur répondez-vous ?
« Notre rôle, c'est de faire le plus avec le moins ! Le plus, nous l'avons démontré : avec toutes les fonctions, l'objet sera très efficace.
À nous de prouver que le rapport qualité-prix est extrêmement performant. Après, le choix de mobiliser des sommes importantes pour un stade, c'est un autre débat, politique. Disons simplement qu'avec ce stade, nous nous mettons au niveau européen. »
> Comment passe-t-on du rêve, c'est-à -dire votre travail sur le papier, à la réalité d'un grand équipement comme celui-là ?
« Passer du rêve à la réalité, c'est une bonne définition du travail de l'architecte. Nous sommes en relation avec des ingénieurs, des programmistes, des spécialistes des différentes structures... Fondamentalement, un vrai architecte imagine que tout ce qu'il dessine pourra être fabriqué.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des études considérables comme pour le toit, la pelouse, l'enveloppe... C'est un peu comme quand on envoie une navette sur la Lune, tout est prévu. »
> Y a-t-il un risque que l'objet abouti ne corresponde pas exactement à votre projet ?
« L'objet existe déjà , puisque les plans sont faits ! Après, comme dans toute activité humaine, il peut y avoir un bug. Mais tout est mis en oeuvre pour que cela n'arrive pas. Et je ne vois pas ce qui pourrait se passer. En trente-cinq ans, nous n'avons eu aucun gros pépin... »
> L'architecte expérimenté que vous êtes est-il encore capable de s'émerveiller devant les prouesses du chantier ?
« Je ne vous cache pas que si nous avons déjà réalisé des projets très importants, jamais nous n'avions inclus des poutres de 200 mètres ! Par comparaison, celles de la Porte de Versailles, l'un de nos chantiers, ne font que 100 mètres. Alors, oui, nous sommes émerveillés. J'attends avec impatience le moment où l'on va lever la toiture (plus lourde à elle seule que la Tour Eiffel). Cela dit, ce n'est pas forcément la taille qui suscite l'émerveillement, l'émotion peut naître de mille choses. »
> Parmi tous les projets déjà réalisés par votre agence, quelle place occupe celui de Lille ?
« Nous en sommes très fiers. Le Grand Stade sera très important pour la novation qu'il apporte. Le football est très populaire, du coup, cela rejaillit sur notre travail. Disons que ce projet, ce n'est pas le plus haut, ce n'est pas le plus cher, ce n'est pas le plus grand, mais c'est le plus connu ! »
cr@zy59 a écrit:Que le stade soit foot, autres sports ou concept, c'est la même chose ? Je ne vois pas ce que tu veux dire en disant "ils n'ont pas fait un stade de football"
Samuel Bever : « Avec le Grand Stade, ce sera compliqué à gérer... »
jeudi 27.01.2011
Samuel Bever a une passion, l'équipe de France, qu'il a déjà accompagnée sur tous les stades, tous les continents dans son déguisement fétiche de carnavaleux dunkerquois. Le foot, il adore, mais pas seulement sous cet angle hypermédiatisé. Car son travail est d'entretenir les pelouses de haut niveau - celles de nombreux clubs comme Lyon, Auxerre, Rennes, Lens notamment - par le biais d'ISF Espaces verts et d'Intergreen, société détentrice des brevets professionnels dont il est l'un des rouages essentiels. Dimanche, Samuel Bever était dans les tribunes du Stadium Lille-Métropole pour suivre le match Lille - Wasquehal et il a pu valider visuellement ce qu'il savait déjà , à savoir que la belle moquette, maintes fois vantée pour sa couleur pure et la douceur de son accueil, s'était bien étiolée au contact d'un hiver précoce et des répétitions de matchs.
Travail de nuit
« En temps normal, la neige et le gel sévissent plus en janvier-février qu'en décembre, souligne-t-il.
Le froid est venu brutalement et très tôt. En novembre, elle était belle, la pelouse ! Mais l'accélération brutale de l'actualité avec l'Europe, la Ligue 1, la Coupe de la Ligue et, en complément, le match de Wasquehal contre Auxerre, l'a fragilisée. Elle est pas mal dégradée. Pour l'heure, le gazon est en repos végétatif, donc il ne se régénère pas. Même si l'aération est bonne au Stadium, il arrive un moment où ça ne suffit plus. Le tapis actuel est d'origine et repose sur un lit de terre végétale, alors qu'aujourd'hui on utilise un substrat élaboré. Souvent, on a même recours à de la luminothérapie.
Des rampes lumineuses éclairent par séquences le gazon pour lui permettre de compenser les effets du repos végétatif hivernal et de poursuivre ainsi la photosynthèse. À 4-5 °C, le gazon fait des racines à 7-8°C, il fait de la feuille. » Même si ce n'est pas l'option prise pour celle du Stadium, changer complètement de pelouse en pleine saison n'est pas un problème, selon Samuel Bever. « On a des machines à relever le gazon qui nivelle en même temps. Les rouleaux de gazon (en provenance de gazonnières des Pays-Bas ou de France) ont généralement une largeur de 2,40 m. Ça va très vite. La pose peut être bouclée en quatre jours. Et on peut rejouer le week-end suivant. Une quinzaine de personnes parfaitement rodées suffisent. Il arrive que l'on travaille la nuit. À l'Abbé-Deschamps (Auxerre), par exemple, on s'y est résolu car c'était l'été et il faisait trop chaud dans la journée. » Et le prix d'un tel chantier ? « Entre 150 000 et 180 000 euros en fonction de la hauteur du gazon. La variation de prix peut être de plus ou moins 25 % selon l'option retenue. Les techniques sont en pleine évolution. Les Anglais ont de l'avance sur nous mais, en France, on ne se donne pas toujours les moyens d'être au top. Les pelouses de l'Emirates Stadium (Arsenal), d'Old Trafford (Manchester United) et de Stamford Bridge (Chelsea) sont très belles. Mais celle de Wembley a déjà été changée deux fois. C'est le problème des terrains fermés.
D'ailleurs, avec le grand stade lillois, ce sera compliqué à gérer... »
PIERRE DIÉVAL
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