Le Qatar veut le retour des supporters du PSG les plus ferventsAnthony Cerveaux
Journaliste
Deux stars internationales – David Beckham et Carlo Ancelotti – arrivent, d'autres pourraient suivre mais en plus du volet sportif, les propriétaires qatariens du PSG vont avoir un autre dossier à gérer : celui des supporters.
Avoir une équipe qui gagne c'est bien, mais avoir un public qui pousse et un stade qui fait peur, c'est encore mieux pour Qatar Sport Investment (QSI). Et pour l'instant, c'est loin d'être le cas.
L'année dernière, les dirigeants du PSG semblaient se satisfaire d'un Parc « plus soft ». Pour éviter les débordements, ils avaient misé sur des conditions de sécurité drastiques, quitte à reléguer l'ambiance à domicile au second plan.
« Avoir un stade imprenable »La donne semble avoir quelque peu changé avec l'arrivée des Qataris. C'est en tout cas ce qui est ressorti d'une rencontre, en fin de semaine dernière, entre Jean-Claude Blanc, directeur général délégué du PSG, accompagné de Jean-Philippe d'Hallivillée, directeur de la sécurité, et les différents groupes de supporters anciennement présents en tribune Auteuil et Boulogne, et qui souhaitent revenir au stade.
Youssef, porte-parole de la K-Soce Team, un sous-ensemble au sein des ex-Supras Auteuil, est satisfait de ce premier contact avec le nouveau patron du PSG :
« Jean-Claude Blanc nous a dit que l'ambiance actuelle ne lui convenait pas, que les Qataris n'étaient pas satisfaits. Il veut un stade imprenable, où les équipes adverses ont peur de venir. Il nous a dit qu'il voulait notre retour. »
« L'ambiance n'est pas complètement pourrie »Un constat que nuance, Jean-Philippe d'Hallivillée :
« Jean-Claude Blanc leur a dit qu'il acceptait de recevoir leurs propositions mais aucun calendrier n'est encore fixé. Il leur a aussi dit qu'il fallait inventer un nouveau modèle.
La situation telle qu'elle existait avant est impossible à remettre en place aujourd'hui au Parc des Princes. »
Oui mais voilà , pour quelques centaines d'éléments violents, des milliers de supporters, loin du cliché du fan nazi, ont été écartés du Parc des Princes dans le cadre du « plan Leproux » (plan de sécurité du nom de l'ancien président du PSG qui l'a mis en place). Et avec eux, les chants constants et variés, les tifos et diverses animations ont déserté les tribunes de la Porte d'Auteuil.
Après avoir connu une très faible affluence (la 14e de Ligue 1) la saison dernière, le Parc des Princes est bondé cette saison mais le public est bien moins bruyant qu'auparavant. Et les supporters historiques ne sont toujours pas là . Le licenciement controversé d'Antoine Kombouaré aggrave encore un peu la fracture.
« Ne pas retomber dans nos travers »Jean-Philippe d'Hallivillée tempère :
« L'ambiance est différente mais c'est pas complètement pourri non plus. C'est vrai qu'avant, avec les ultras, l'animation était superbe mais il y avait aussi des bagarres aux abords du Parc des Princes et en déplacement. Maintenant, ça c'est fini. »
Ben, de la Brigade Paris :
« Ne pas repartir comme avant, on est tous d'accord là -dessus. Il ne faut pas retomber dans les mêmes travers, il faut qu'on change de système. »
Un catalogue de propositions, allant de la fin du placement aléatoire à un dialogue permanent entre les différents groupes de supporters et le club, devrait être à l'étude dans les prochaines semaines côté supporters.
« Le ministère bloque tout »Une fois ce dossier constitué et – surtout – validé par le PSG, il faudra encore le présenter aux pouvoirs publics. Car à Paris plus qu'ailleurs encore, la question des supporters est verrouillée. C'est un secret de polichinelle mais le plan Leproux a été échafaudé par les pouvoirs publics, qui en sont aujourd'hui les dépositaires.
C'est là toute l'ironie du dossier : les intérêts des propriétaires qataris et des supporters les plus fervents pourraient être convergents et se heurter à la fermeté de l'Etat.
De là à penser que, face à Bilbao mercredi dernier, Claude Guéant n'était pas seulement au Parc des Princes, à côté de Jean-Claude Blanc, pour le spectacle...
Un supporter parisien qui fréquentait le Virage Auteuil depuis le milieu des années 90 avant d'être « chassé » par le plan Leproux explique :
« Depuis le début sur la question des supporters parisiens, le ministère de l'intérieur bloque tout, il ne veut pas nous voir revenir.
Le PSG n'a pas les mains libres sur ce dossier, certains essaient de trouver des solutions, de discuter avec nous, mais globalement le club finit toujours par se plier à la volonté des pouvoirs publics. »
« On n'est pas décisionnaire de tout »Jean-Philippe d'Hallivillée indique :
« On n'est pas décisionnaire de tout, sur cette question, il y a un travail mené conjointement avec la préfecture de police de Paris, le ministère de l'intérieur et les associations de lutte contre les discriminations et le racisme. »
De son côté, Youssef soutient :
« C'est compliqué de passer à autre chose maintenant, en tout cas jusqu'aux élections présidentielles, car la question des supporters à Paris a été un laboratoire de la politique sécuritaire du gouvernement. »
Le volet supporter de la Loppsi 2, ou les arrêtés interdisant le déplacement de supporters parisiens lors des OM-PSG, directement prononcé par Claude Guéant, témoignent en effet assez bien qu'en matière de supporters, le gouvernement a expérimenté son arsenal de mesures répressives.
« Contre le maintien d'Hallivillée »Dans ce contexte, plusieurs supporters considèrent que Jean-Philippe d'Hallivillée, le directeur de la sécurité du club, a été et demeure, « l'homme du ministère au PSG ».
Youssef déclare :
« Jean-Philippe d'Hallivillée a un double discours à notre égard. On est contre son maintien et on ne comprend pas pourquoi le PSG qui veut devenir un grand club garde les mêmes personnes, là où ça n'a pas marché par le passé. »
Et de citer pêle-mêle sa gestion du conflit Auteuil/Boulogne, la place qu'il accordait à une époque aux groupuscules d'extrême droite ainsi que plus récemment sa gestion du déplacement à Bratislava ou à Salzbourg en Ligue Europa. Ben corrobore :
« Il faudrait quelqu'un d'autre à la tête du département supporter, pour sortir d'un département de copinage. »
« Tout est loin d'être parfait »Pour Jean-Philippe d'Hallivillée si les supporters parisiens sont si unanimement remontés contre lui, c'est parce qu'il « ne va pas dans leur sens » :
Un autre élément pourrait ralentir la prise de décision collective : les incertitudes autour du stade. Leonardo trouve le Parc des Princes « vieux et inadapté » et de toute façon, le PSG jouera au Stade de France de 2013 à 2015 pendant la rénovation (pour l'Euro 2016) de leur enceinte. Quant à la question d'un déménagement définitif, les Qataris restent évasifs.