UN PAVÉ DANS LA MARE DE L’EURO 2016
Le projet de nouveau stade ne prévoit plus la pose d’un toit rétractable. Pour « une économie de 7 à 10 millions d’euros ». Pourquoi cette conversion soudaine à plus de modestie ? Photo Anthony PICORE.
Un député souhaite l’abandon de la candidature nancéienne pour l’Euro 2016. Selon Hervé Féron, le projet d’agrandissement de Marcel-Picot n’est pas responsable et coûte trop cher.
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Féron répond à Rousselot
Le club au chardon est tombé sur une épine : Hervé Féron, député-maire de Tomblaine et poil à gratter officiel de la candidature nancéienne à l’Euro 2016. L’élu socialiste souhaite aujourd’hui « faire l’impasse » sur l’accueil de la compétition et le projet d’agrandissement du stade tel qu’il a été décidé. Une question de « réalisme », dit-il.
GRAND ANGLE
Pour rappel, l’ASNL souhaitait porter Marcel-Picot à une jauge de 32 000 places, en faire un site multifonctions (concerts, lieux de vie périphériques…) et doter son installation d’un toit rétractable. Le club tablait ainsi sur un financement compris entre 55 et 63 millions d’euros, le président Rousselot s’engageant à réunir la somme sur fonds privés. Le montage s’opérait sous la forme d’un bail emphytéotique administratif, remboursable sur 30 ans et signé avec la communauté urbaine du Grand Nancy (CUGN). A terme, la collectivité redevenait propriétaire.
Problèmes : les banques attendent des garanties pour ce prêt et la loi interdit à la CUGN de se porter caution pour le club. Elle ne permet pas non plus le versement de la subvention de l’Etat (8 M€) au titulaire d’un bail emphytéotique. Ce cadre législatif doit évoluer en janvier mais le calendrier est trop court, estime Hervé Féron. « Et si le texte passait, la loi française empêche une collectivité de financer à plus de 50 % un projet privé. »
L’élu a surtout mené son enquête et fait ses calculs : pour lui, le compte n’y est pas. « Prenons le projet le moins cher à 55 M€, développe t-il. Si la CUGN accepte effectivement de verser les 8 M€ au club, on aboutit à une somme de 47 M€ à rembourser sur 25 ans. Avec un million d’euros en plus pour l’entretien, cela représente 4,1 M€ par an à rembourser pour l’ASNL alors qu’elle a actuellement un retard de paiement de son loyer de 210 000 €! On prend ce risque alors que nous avons une des communautés d’agglomération les plus endettées de France ? » Favorable à l’agrandissement du stade « payé à 100 % par le privé », le député maire qui a été « exclu des dernières réunions », rappelle que le Département et la Région ne souhaitent pas participer à ce financement.
Adieu toit rétractable
Hervé Féron soulève également des problèmes « techniques » : « Le toit amovible n’est plus d’actualité. Comme à Lille, il n’était pas homologable par l’UEFA et coûtait trop cher, éclaire l’intéressé. J’ai aussi calculé qu’il était impossible de prévoir un dégagement de 18 m autour du stade, puisque c’est obligatoire à partir de 30 000 places. Des pieds des gradins jusqu’à la caserne des pompiers, il y a 18,50 m. On fait quoi ? On enlève la caserne ou la route ? Pour moi, ce projet n’a pas été évalué sérieusement. Il n’est pas responsable. »
La CUGN n’a pas suivi les mises en garde d’Hervé Féron et décidé, vendredi dernier, de poursuivre le projet. Une nouvelle saluée par Nicolas Holveck : « C’est du bon sens, estime le directeur général du club. Si on ne fait rien, cela va coûter plus cher à la CUGN qui, je le rappelle, redeviendra propriétaire de l’équipement ». Ce dernier contredit d’ailleurs Féron sur les loyers (« Ils sont payés ») mais il confirme l’abandon du toit rétractable : « On va faire un toit fixe, ce qui représente une économie de 7 à 10 M€. »
Enfin, pour Nicolas Holveck, ces attaques ne sont que « des manœuvres politiciennes ». « O ù est l’intérêt général ? conclut-il. Il faut quand même voir que la collectivité aura un équipement unique dans l’Est et qui va proposer autre chose que du foot, comme en Allemagne. Le club mettra la main à la poche pour porter ce projet, c’est unique aussi. On travaille avec nos banquiers depuis deux ans et ils attendent le feu vert aujourd’hui. Nous, on attend le projet de loi. Sans cela, l’Euro est en danger. »
Christian JOUGLEUX.
http://www.republicain-lorrain.fr/fr/pe ... -2016.htmlMarcel Picot, le toit est tombé sur le projet !
Par Pierre TARIBO • Journaliste La Semaine • 17/12/2010 à 07h50
On savait que l’opération s’annonçait difficile mais compte tenu des enjeux : ville retenue dans la « short list, » pour accueillir l’Euro 2016, agrandissement de la capacité du stade afin de permettre à l’ASNL d’accroître ses recettes guichets mais aussi de transformer l’enceinte en lieu de vie qui ne serait plus exclusivement réservé à des événements sportifs, on croyait un consensus possible.
Erreur, l’opposition a taclé la politique communautaire, remis plus ou moins en cause les subsides attribués à l’ASNL et surtout jugé le projet irréaliste pour ne pas dire totalement infaisable. Mais en changeant de stratégie Hervé Féron, le meneur de jeu de la gauche sur ce dossier oublie qu’il n’y a pas si longtemps il partageait certaines options tactiques avec la majorité. Jusqu’à vendredi, où tel un défenseur rugueux « il a mis la semelle, » au risque de bloquer le club de Jacques Rousselot.
En préambule Michel Dufraisse rappelle que le 25 septembre 2009, le Conseil de Communauté a approuvé à l’unanimité la participation du Grand Nancy à la candidature française à l’Euro 2016. Resituant le dossier de Picot dans ce contexte, il précise que le président de la République a déclaré le projet de candidature d’intérêt national et annoncé la création d’un fonds de soutien gouvernemental de 150 millions d’euros dédié au programme de construction et de rénovation des stades de la compétition, 8 millions étant ainsi prévus pour Nancy. Après analyse économique, juridique et financière le préprogramme envisagé pour le stade Picot prévoyait : une capacité portée de 20 000 à 32 000 places, l’accueil de l’ASNL, la possibilité pour la collectivité d’utiliser l’équipement pour assurer des missions de service public, l’ouverture du stade rénové à une exploitation multiforme.
Des chiffres ? Au regard des études menées par le Grand Nancy, le coût est estimé à 55 millions d’euros stade non couverts à 63 millions d’euros avec le toit rétractable. Sur ce plan la CUGN a choisi : « le toit rétractable est abandonné à cause de son prix prohibitif. En outre sa conception n’offre pas toutes les garanties. » Mais il y a un os et de taille : l’interdiction juridique d’octroyer une garantie publique ou un subventionnement de l’opération conduite sous forme de BEA ( bail emphytéotique administratif ) constitue un obstacle majeur pour la levée des financements privés, les banques liant leurs engagements à l’existence d’une garantie publique.
Plus clairement si un projet de loi autorisant les collectivités territoriales à accorder des subventions ou à octroyer des garanties d’emprunt dans le cadre de projets de construction, de rénovation et d’exploitation d’enceintes sportives réalisées sous la forme de BEA, le projet nancéien a du plomb dans l’aile d’autant que la CUGN qui va solliciter le Conseil général et la Région pour qu’ils subventionnent ou garantissent le financement de l’agrandissement du stade risquent de faire la sourde oreille. D’où le débat qui a suivi.
« S’il n’y a pas de loi votée, il n’y a pas de dossier »
André Rossinot. « Sur le plan bancaire aucune négociation n’est entamée. L’objectif est que ça ne coûte pas plus cher à la CUGN. Aujourd’hui le stade (utilisation, entretien et subvention allouée à l’ASNL) coûte au Grand Nancy 5 millions d’euros. S’il n’y a pas de loi votée, il n’y aura pas de dossier. Aujourd’hui, ce que nous décidons, c’est le droit de poursuivre. On a travaillé avec Hervé Féron. Il faut le faire en totale transparence les uns envers les autres. Il n’y a pas de négociations engagées avec l’ASNL. C’est un débat lucide, transparent. »
Hervé Féron. « Beaucoup de précautions pour expliquer l’inexplicable. Lors d’une réunion en présence du président de la Fédération Française de football dans le cadre d’une candidature de Nancy à l’Euro 2016, un jour de l’été 2009, j’ai découvert sur la table un projet d’agrandissement du stade et j’ai soutenu ce projet comme s’il avait été préparé et concerté. Ce jour là , le président Rousselot répondait à la question du président de la FFF en affirmant : « J’ai le financement. » La délibération d’aujourd’hui s’appuie sur celles du 25 septembre 2009, sauf qu’en aucun cas, cette délibération n’actait le fait que la CUGN allait être garante ou même allait participer à l’investissement. Vous êtes donc aujourd’hui en train de nous faire rebondir sur la base de principes qui n’ont pas été actés. Le 11 décembre 2009, vous nous avez proposé précipitamment une délibération pour valider le contrat cadre de l’Euro 2016 avec l’UEFA. J’étais intervenu pour dénoncer le caractère illégal de cette délibération que la gauche n’a pas votée. Quelques jours après je vous écrivais mon intention d’engager une procédure au tribunal administratif. Vous m’avez répondu en actant le fait que je serai copilote du projet. Aujourd’hui, je ne suis pas le rapporteur de cette délibération, je n’en partage ni les attendus, ni les objectifs et je suis très inquiet d’avoir été exclu de votre dernière rencontre avec le président de l’ASNL. »
Le président de l’ASNL n’a jamais eu l’intention d’avancer quelque somme que ce soit
Et Hervé Féron de poursuivre son réquisitoire. « Cette délibération a deux buts : vous tentez de sauver la face et vous reporter une partie de la cause de l’échec sur le Conseil général et le Conseil régional, car vous le savez bien, ces deux collectivités ne mettront pas un centime sur ce projet parce que leurs élus sont responsables. Vous êtes revenu à la seule possibilité le bail emphytéotique administratif, mais le président de l’ASNL n’a jamais eu la moindre intention d’avancer quelque somme que ce soit ni personnellement ni au nom de l’ASNL. »
Puis mettant dans le même sac l’impossibilité de tenir le calendrier, le coût que représente déjà l’ASNL pour le Grand Nancy, mis en doute la capacité de voir des manifestations extra sportives générées d’autres recettes et l’utilité pour le club - qui appréciera - d’un stade de 32 000 places, le député maire de Tomblaine annonce que la gauche ne participera pas au vote.
« Tirer sur le projet n’est pas la meilleure attitude »
François Werner. « Je suis surpris de ce que je viens d’entendre. Je ne comprends pas qu’un projet qui était viable tant qu’on ne demandait pas de participation à d’autres collectivités ne le soit plus aujourd’hui. Tous les projets comportent une part de pari. Derrière les quatre matches de l’Euro il y a une opportunité d’être un peu regardé à l’extérieur. Poussons le projet et donnons au club l’opportunité de poursuivre. Il faudra un débat pour savoir combien on est prêt à mettre mais tirer sur le projet n’est pas la meilleure attitude. »
Gérard Rongeot. « Les garde-fous sont posés. Il faut aller au bout du dossier. Il ne faut pas se perdre sur ce sujet mais il faut se donner les moyens d’aller plus loin. »
Michel Dufraisse. « Lille qui est premier et joue devant 14 000 spectateurs fait le pari d’un stade de 50 000 places. Notre ambition est raisonnable. On lève les obstacles les uns après les autres, c’est comme cela que nous pourrons avoir une réflexion définitive. »
Hervé Féron. « Je dis l’Euro c’est cuit mais j’ajoute qu’on peut travailler avec l’ASNL. Je pense que 32 000 places c’est trop. Il sera à moitié vide la plupart du temps. »
Rendez-vous en janvier
André Rossinot. « Aujourd’hui on ne décide pas. Nous aurons une séance de la CUGN dans la deuxième quinzaine de janvier. On verra à ce moment ce qu’il en est. M. Féron vous avez suivi tout le dossier ne baissez pas les bras. Je n’ai pas l’intention de vous amener dans une aventure. Si la loi n’est pas votée en janvier, le dossier est clos. »
http://www.lasemaine.fr/2010/12/16/marc ... le-projet-