Il y a tout d’abord la vue sur le terrain, incomparable. Tout comme l’acoustique. Le Wi-Fi et les services connectés, impeccables. Et la sécurité, sans faille. Parole de supporteur, le Parc OL, c’est le nec plus ultra. « Franchement, en passant de Gerland au Parc OL, on est passé d’une deudeuche à une Ferrari, résume, au volant de sa berline Citroën, ce chauffeur de VTC lyonnais. J’ai testé différentes places : où que l’on soit dans le stade, on voit superbement le match. Et l’ambiance, quand il est plein, est géniale. »
Dommage, en ce mardi frisquet de mars, aucune rencontre n’est programmée. La pluie s’abat sur l’immense édifice, tandis que les jardiniers bichonnent leur pelouse. Si le stade sonne creux, il n’est pas vide pour autant. Au contraire, des séminaires se tiennent dans les multiples salons de l’enceinte. Dans certaines loges, louées à l’année, des sociétés organisent leurs rendez-vous. Des visiteurs arpentent les tribunes, tandis qu’à la brasserie Bocuse, installée au deuxième étage avec vue sur le carré vert, c’est le coup de feu.
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« C’est une vraie surprise ! Quand on a ouvert, on n’imaginait pas une telle activité tous les midis, remarque Xavier Pierrot, le « stade manager ». Les hommes d’affaires des alentours se pressent ici comme de nombreuses familles attirées par l’enseigne Bocuse. » Au quotidien, entre 200 et 250 personnes fréquentent le Parc OL, en plus des quelque 400 salariés du club. Les grands jours, on y compte jusqu’à 2 000 personnes. Les soirs de match, l’affluence peut grimper à 59 000 spectateurs, la capacité d’accueil du stade, sans compter 2 500 personnes à l’organisation. Jeudi soir, ils étaient encore 50 000 pour voir jouer l’OL dominer 4 buts à 2 l’AS Roma en Ligue Europa.
Un stade devenu un lieu de vie
En intégrant, en janvier 2016, « son » stade, l’Olympique lyonnais est entré dans une nouvelle ère économique qui doit, du moins c’est le souhait de la direction, lui permettre de retrouver les sommets européens. Et rêve de regagner le titre de champion de France, après neuf ans de disette. « On est en train de passer d’un club de football à une entreprise d’événementiel », traduit Jean-Michel Aulas, le patron du club depuis 1987. « Ce n’est plus un simple stade, confirme Olivier Blanc, le directeur de la communication. C’est devenu un lieu de vie où se mêlent de nombreux publics. »
Historiquement, le club lyonnais, septuple champion de France, jouait à Gerland, le stade de 40 000 places de la municipalité. « Avant, on récupérait le stade pour 48 heures, reprend Xavier Pierrot. Aujourd’hui, après un match, c’est à nous de tout gérer. On a dû étoffer nos équipes et apprendre de nouveaux métiers. »
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Ce lieu, c’est Jean-Michel Aulas qui l’a voulu. En 2007, alors au sommet du foot français, il introduit son club en Bourse afin de lever une partie des 450 millions d’euros nécessaires pour bâtir la première enceinte détenue par un club de football en France (l’action vaut aujourd’hui 2,81 euros contre 24 euros lors de son introduction). Pendant des années, le président de l’OL a bataillé pour imposer ce projet très contesté devant les tribunaux par les riverains et des élus écologistes.
« L’inauguration du stade, début 2016, c’était le plus beau jour de ma vie », ne cesse-t-il de répéter aujourd’hui. Une lubie de mégalo ? Pas vraiment. Détenir son enceinte est devenu une nécessité pour trouver, enfin, un modèle économique durable pour le football en France. C’est d’ailleurs presque la norme en Allemagne ou en Angleterre.
Les revenus de billeterie ont quadruplé, à 45 millions d’euros
Historiquement, les clubs français forment des joueurs et sont obligés de vendre les meilleurs pour équilibrer leurs comptes malgré l’augmentation continue des droits télévisés. La seule alternative est de bénéficier d’un riche mécène qui éponge année après année les déficits, ou de bâtir un modèle autour de l’achat-vente de joueurs, un choix fait par Monaco ou Lille par exemple. Avec son propre stade, Lyon n’a plus, lui, la nécessité de céder coûte que coûte ses meilleurs joueurs.
« Avec le Parc OL, notre ambition est d’accroître nos moyens de 70 millions d’euros par an d’ici trois à cinq ans. Et nous sommes en bonne voie », reprend Jean-Michel Aulas. Après un an d’exploitation, les revenus de billetterie ont d’ores et déjà quadruplé, à plus de 45 millions d’euros. Non seulement le club attire plus de spectateurs, avec une affluence moyenne de 44 000 personnes par match sur l’année 2016, contre 32 000 à Gerland, mais le revenu moyen par spectateur a augmenté d’un tiers, à 44 euros, grâce à la multiplication des loges et des sièges VIP.
« Pour développer le Parc OL, on s’est appuyé sur le cabinet d’architecte anglo-saxon Populous, indique Xavier Pierrot, car il a notamment la vision d’un stade comme un centre de profits. Par exemple, lors de nos discussions préparatoires, ils nous ont proposé de créer quelque 500 buvettes, alors qu’à Gerland, nous en avions dix fois moins. On a mis le holà . On en a finalement trois cents… »
Et cela fait la différence financièrement par rapport aux autres nouvelles enceintes françaises. Contrairement à celui de l’OL, les stades construits grâce à des partenariats public-privé sont gérés par des consortiums liés à la ville. Et les clubs résidents les louent. Ils n’en bénéficient donc pas autant que s’ils en étaient propriétaires.
« Si l’on joue la Ligue des champions, grâce à notre stade on peut viser un excédent brut d’exploitation de 40 à 50 millions d’euros, explique Jean-Michel Aulas. Sans cette compétition, nous pourrions atteindre 10 à 20 millions. Et nous pouvons toujours céder des joueurs, car notre centre de formation reste le meilleur de France. Mais ça, je n’y suis plus obligé. »
Assurer un flux permanent de visiteurs
Au Parc OL, l’organisation des matchs n’est pas la seule activité. Au mieux, le stade accueillera chaque année de trente à trente-cinq matchs pour les équipes masculine et féminine et quelques matchs de gala comme des finales de coupe de la ligue ou de coupe d’Europe. Il a donc fallu diversifier l’offre pour assurer non seulement un flux permanent de visiteurs, mais aussi développer des revenus récurrents et ainsi couvrir les coûts de maintenance d’un équipement hors-norme.
Outre l’organisation de séminaires et de conférences, le stade accueille des concerts, comme ceux de Coldplay et Céline Dion, programmés cet été.
Outre l’organisation de séminaires et de conférences, le stade accueille chaque année deux ou trois concerts. Cet été, Coldplay et Céline Dion animeront le lieu pendant la trêve estivale. Mais ce secteur du divertissement est très concurrentiel. Le Parc OL compte aussi sur les visites. Pas moins de 20 000 curieux s’y sont pressés l’an dernier pour une dizaine d’euros par personne. On peut aussi jouer dans les deux « escape rooms » aménagées dans des loges (le jeux consiste à résoudre une énigme en équipe pour sortir de la pièce), en attendant l’ouverture du musée, prévue début 2018. Et puis la boutique de plus de 800 mètres carrés est un passage obligé.
Enfin, le Parc OL est aussi un lieu ou l’on peut trouver… un emploi. « L’Est lyonnais est particulièrement touché par le chômage et nous devions prendre cela en compte, explique Laurent Arnaud, de la Fondation OL. Le stade est aujourd’hui un élément structurant du territoire. Nous souhaitons faire bénéficier les quelque 2 000 entreprises qui passent par chez nous des compétences locales, à travers notre cité de l’innovation sociale. Nous visons l’organisation d’une quarantaine de jobs dating chaque année. ». L’objectif est d’aider à créer un millier d’emplois. En 2016, quelque 150 personnes ont ainsi trouvé une activité.
« On veut que notre stade soit un modèle de responsabilité sociale et écologique, reprend M. Aulas. Nous avons une gare de tramway, notre électricité est issue à 100 % du Rhône, et à l’avenir, après notre parc de ruches, je veux installer une ferme biologique et pédagogique. »
La vente du nom du stade à un sponsor est en négociation
A plus long terme, le stade fera partie d’un complexe beaucoup plus vaste. « Un hôtel est en train de sortir de terre à droite de l’entrée principale », montre du doigt Jean-Michel Aulas, à la fenêtre de son bureau surplombant l’entrée. A gauche, un centre de loisirs, un centre médical et des bureaux vont voir le jour. A terme, 4 millions de personnes fréquenteront chaque année cet espcace, contre 1,6 million en 2016. Et j’aimerais que l’on crée une liaison par télécabine vers la base nautique, à trois kilomètres d’ici. »
Avant cela, l’Olympique lyonnais va devoir tout de même réduire sa dette, qui a gonflé à 260 millions d’euros. Pour y faire face, l’OL a accueilli un nouvel actionnaire, le fond chinois IDG, qui a apporté, en décembre 2016, 100 millions d’euros contre 20 % du capital du club. Une grosse partie de cette somme comblera la dette. En parallèle, le Parc OL finalise son refinancement avec un argument de poids : « Avant j’avais un projet à présenter aux banques, désormais j’ai un actif. Soudain, elles sont beaucoup plus ouvertes à la discussion… », glisse Jean-Michel Aulas.
Dernier chantier, la vente du nom du stade à un sponsor. Le Stade Vélodrome de Marseille a attiré Orange, le stade niçois, l’un des partenaires de la première heure du Parc OL, porte le nom d’Allianz, et les Girondins de Bordeaux foulent désormais la pelouse du stade Matmut-Atlantique. De son côté, Lyon tarde à trouver la perle rare, même s’il a déjà convaincu Groupama de sponsoriser son centre d’entraînement. « Nous discutons encore avec quatre partenaires », assure Jean-Michel Aulas. En jeu, plus de 6 millions d’euros de recettes par an. Soit trois fois plus que pour les autres stades déjà « nommés » en France. L’OL de Jean-Michel Aulas veut toujours être le premier.
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