Source: VDN du 05/03/2016
Euro 2016 : l’UEFA impose la loi du foot business aux restaurateurs
À trois mois du coup d’envoi, le championnat d’Europe de foot, qui passe par Lens et Villeneuve-d’Ascq, édicte des règles dures à avaler pour les commerçants. Enseignes masquées, redevance obligatoire sous peine d’exclusion du périmètre : les tables du stade Mauroy sortent le carton rouge.
Cachez donc ces enseignes que McDo et Coca Cola ne sauraient voir ! C’est la loi du foot business : comme l’UEFA a vendu l’Euro 2016 à ces deux marques de bouche, aucune autre n’a le droit de cité. Les enseignes présentes à l’arrière du stade depuis son ouverture, à l’été 2012, et situées dans le « village », sont donc contraintes de se cacher : « Nous devrons masquer notre devanture, enfiler des tenues UEFA et servir les boissons dans des gobelets de l’instance européenne », peste ce commerçant, qui témoigne sous couvert d’anonymat.
La parole aussi est masquée car le bail est précaire. Mais, en plus, le professionnel devra s’acquitter d’une redevance. Une sorte de dîme pour pouvoir rester dans le périmètre « village » de la compétition, à raison de 600 € par cellule et par jour de match. Même si les retombées de six rencontres à 50 000 spectateurs peuvent sembler grasses, la pilule est difficile à avaler, surtout pour des commerçants qui vivotent au quotidien : « En plus du loyer mensuel pour Elisa (société gestionnaire du stade) et des charges, on doit payer une redevance juste pour avoir le droit de travailler au pied du stade pendant l’Euro ! », indique un autre, prêt à aller en justice.
Une palissade de 2,60 mètres
En cas de refus, c’est l’exclusion ! Les commerçants récalcitrants se retrouveront derrière une palissade haute de 2,60 m et munie de bâches occultantes. Cette palissade délimitera le « village » autour du stade. Elle séparera les hôtels-restaurants des « Terrasses » (sur le parvis du stade) de l’enceinte sportive. Mais pour l’instant, ces commerçants hors « village » sont dans l’expectative, goûtant peu l’idée d’être cachés derrière des bâches, même s’ils semblent à l’abri de contraintes matérielles et financières.
Le stade sera privatisé. Adieu calicots LOSC, Crédit Mutuel, partenaires habituels de Pierre-Mauroy. Les comptoirs devront se parer des couleurs des sponsors : les soixante frigos Pepsi, dont les sodas abreuvent les supporters, disparaîtront au profit de son concurrent américain mais partenaire de l’UEFA. Avant d’être un sport, le football est un business.
Gérard Caudron : « Envie de leur donner des baffes »
Gérard Caudron, le maire (DVG) de Villeneuve d’Ascq, a la voix qui tonne dès que l’on prononce le mot UEFA. « Son comportement est inadmissible », assène-t-il, exaspéré par « cette volonté de gratter du fric sur tout ». « Les restaurateurs ont pris des risques en s’installant au stade Pierre-Mauroy. Or, dès qu’ils ont la possibilité de compenser les périodes plus calmes, on les exclut de l’événement ! »
Le diktat de l’UEFA va beaucoup plus loin encore. À l’origine, son périmètre d’exclusivité commerciale aurait dû englober le centre commercial V2, installé à quelques centaines de mètres du stade Mauroy. Exit les concurrents directs de McDo, comme le Quick ? « Notre stade est installé en plein cœur de ville, on ne pouvait pas lui imposer ces règles. Mais il a fallu se bagarrer pour nous faire entendre et réduire cette zone », confie M. Caudron.
Le centre commercial fonctionnera normalement. En revanche, comme la municipalité, il devra se montrer imaginatif dans sa communication autour de l’événement. Interdits les mots Euro, compétition européenne ou Eurofootball sur les affiches des animations. Marques déposées. « Mais à côté de ça, o n sait nous confier les coûts de gestion de la sécurité et de la circulation les jours de match, grince le maire. Le monde du football, qui voit circuler tant d’argent, a besoin de faire payer les communes. Quel mépris ! Parfois, on a vraiment envie de leur donner des baffes. » Alors quitte à jouer les têtes à claques lui aussi, Gérard Caudron s’imagine prendre un arrêté interdisant la circulation sur le boulevard au pied du stade, le jour du premier match. Juste pour rire.
L’Euro 2016, ce pactole...
Si la bataille est aussi rude, c’est parce que d’énormes sommes sont en jeu. Selon une étude menée par le Centre de droit et d’économie du sport (CDES), les retombées économiques de l’Euro 2016 sont estimées à plus d’1,2 milliard d’euros en France, dont 150 M€ pour la métropole lilloise et 77 M€ pour Lens. Un montant qui ne prend en compte « que » les dépenses des spectateurs étrangers.
Ces visiteurs représenteront des cibles de choix pour tous les partenaires économiques de l’événement. L’étude chiffre à 842 M€ leurs dépenses à l’intérieur des stades (panier moyen par jour et par personne de 500 €).
Dans les fan zones, 352 M€ de retombées sont attendues en France. Les supporters étrangers devraient là encore se montrer généreux (150 € par jour et par personne). Dans la région, deux fan zones seront installées à Lille et à Lens.
http://www.lavoixdunord.fr/region/euro- ... 17n3367476