par alexandre 1990 » 27 Fév 2016, 13:55
L'OL dans la cour des grands, ce n'est pas pour tout de suite
ENQUETE365 - L1 / LYON Le 27/02/2016 - Geoffrey STEINES
La réception du PSG dans son Parc OL dimanche relève du symbole pour un club qui souhaite rivaliser avec les plus grands clubs européens grâce à son nouvel outil. Mais la réussite du projet est aussi difficile à garantir qu'à estimer dans le temps.
C’est l’histoire d’une folle ambition, d’un rêve qui a mis près d’une décennie à se concrétiser. Jean-Michel Aulas a inauguré le 9 janvier dernier « son » Parc OL, projet en jachère depuis 2007 et finalement opérationnel depuis deux mois après moult rebondissements. Cinq semaines après la réception de Marseille (1-1), l’OL vivra dimanche un autre temps fort dans sa nouvelle enceinte avec la venue du grand PSG dimanche (21h00). Ce club parisien avec lequel les Gones veulent rivaliser et qui fait partie de ce Top 20 européen que le président lyonnais souhaite intégrer à terme, avec le concours de son nouveau stade et de l’OL Land qui l’accompagne. Ce PSG construit sur un tout autre modèle. Une anomalie même, puisqu’il est le seul de la cour des grands à ne pas être propriétaire de son enceinte. « Le modèle choisi par l’OL est clairement le plus pertinent, c’est celui qui permettra de générer le plus de revenus supplémentaires », nous explique Didier Primault, directeur général du Centre de Droit et d’Economie du Sport (CDES).
« 250 millions de revenus par an pour exister sur le plan européen »
Premier club pro français à être propriétaire de son stade, Lyon est indubitablement sur le droit chemin. « Il faut avoir au moins 250 millions de revenus par an pour exister sur le plan européen », calculait Aulas au moment de la présentation du Parc OL début janvier. Mais les dividendes de l’investissement consenti ne se ressentiront pas immédiatement sur le rendement économique de l’OL, dont le budget annuel avoisine actuellement les 150 millions d’euros et dont le chiffre d’affaires s’élevait à 104 millions sur l’exercice 2014-15. « Aulas est un entrepreneur et un homme d’affaires avisé, il a construit un projet de long terme, nous indique Jean-Pascal Gayant, professeur de sciences économiques à l’Université du Mans et spécialiste des questions sportives. Etant donné le bassin économique lyonnais et l’aspect multi-facettes du projet, il y a une réelle possibilité que ce soit une réussite. » Sauf que le club et ses supporters ne devront pas être pressés. « Il a fallu réduire la voilure pour financer la construction du nouveau stade, rappelle Gayant. C’est là que le pari est plus osé. Mais si la période de transition se passe correctement, on aura sans doute une équipe de Lyon très compétitive. » L’objectif pour l’OL sera de la réduire au maximum dans le temps.
« Rembourser le stade en quinze ans »
Sa durée sera liée en grande partie au remboursement de l’emprunt contracté. Sur un coût total de 455 millions d’euros pour le Parc OL, Aulas évoquait un endettement « à hauteur de 240 millions » dans un entretien accordé au Monde le 10 septembre dernier. « Nous pensons pouvoir rembourser le stade en quinze ans », estimait-il dans Le Matin une semaine plus tôt. « On a vu avec Arsenal que ça a limité son ambition sportive sur une période donnée, souligne Primault. On peut raisonnablement penser qu’on va être dans cette hypothèse. L’OL ne pourra donner sa pleine mesure que quand une bonne partie du remboursement sera effectuée. » Et c’est là que la glorieuse incertitude du sport entre en ligne de compte. Même si « JMA » affirme que son OL Land entraînera « une décorrélation des résultats sportifs et financiers », ce ne sera pas une vérité dans l’immédiat. « Le club a la capacité de supporter les remboursements et il l’aura d’autant plus qu’il sera qualifié pour la phase de groupes de la Ligue des Champions, insiste Gayant. Ce sera tendu à chaque fois qu’il la loupera. L’OL est sur un fil d’équilibriste. Une série de non-participations mettrait clairement en péril le projet. »
« Avant 2000, Lyon était un club français moyen et un nain européen »
Aulas avait beau affirmer début septembre au Matin que « l’économie du football est devenue une économie régulée, pas si dangereuse que cela », le président lyonnais se fait ici l’apôtre de la méthode Coué. Sans aller jusqu’à évoquer une éventuelle rétrogradation en division inférieure - « personne ne peut considérer qu’un tel événement n’aura pas des conséquences dramatiques » (Primault) -, l’OL reste dépendant d’une série de variables qui limiteront son développement, à court mais aussi à moyen terme. D’abord, son bassin économique n’a pas le même potentiel que le top niveau continental d’après Wladimir Andreff, professeur émérite en Sciences Economiques à l'Université Paris 1 et président d'honneur de l'International Association of Sport Economists. « Lyon et son agglomération culminent à un million d’habitants. C’est bien moins que toutes les grandes villes de football en Europe. » Ensuite, l’OL part de loin par rapport à ceux qu’ils désirent concurrencer dans un avenir proche. « On va vers un marché planétaire et dans cette perspective, Lyon n’est pas dans le bon paquet, souffle Gayant. Les Chinois ne connaissent pas l’OL, les Américains non plus. Avant les années 2000, Lyon était un club moyen à l’échelle française et un nain à l’échelle européenne. C’est un énorme handicap. »
La clé du développement, les loges et les places VIP
Ce qui doit assurer au club lyonnais des revenus stables, ce sont les recettes liées à la billetterie et à la vie de son stade, le fameux « matchday » comme disent les Anglais. Mais là encore, ce n’est pas gagné d’avance. « Quand un nouveau stade est proposé au public, il y a un effet de nouveauté qui fait qu’il se remplit. Ça va durer une ou deux saisons, mais ça s’essouffle par la suite et la taille de l’agglomération joue à nouveau un rôle important », tempère Andreff. L’OL a mis l’accent sur les loges et les places VIP, qui ont augmenté de près de 200% par rapport à Gerland (105 loges contre 39, 6 000 places VIP contre 2 000). Sa marge de progression se situe dans ce secteur, comme en témoigne Primault. « A condition de travailler bien et longtemps, l’OL va pouvoir pérenniser un public qui souhaitera vivre une expérience différente. Même avec des résultats moindres, on peut espérer maintenir des revenus élevés. Manchester United est un bon exemple. Le club n’a pas été performant ces dernières années au regard de ses propres standards, mais le stade est plein malgré tout. Mais ça nécessite un gros travail, au vu de la culture française. »
Cinq à sept ans, l’estimation la plus optimiste
Loin d’être au bout du chemin qui doit le ramener au sommet du football français et dans le haut du panier européen, l’OL va devoir surmonter tous ces obstacles pour parvenir à son objectif final. Surtout que la situation nationale n’est pas vraiment la même qu’au moment de l’ébauche du projet en 2007, deux clubs ayant pris une autre dimension depuis. « Le PSG et Monaco ne jouent pas dans la même catégorie avec lui. Comme il y a une détermination des résultats par la richesse des clubs, l’OL joue la troisième place et est quasiment sûr de ne pas pouvoir jouer mieux que ça dans les années qui viennent. C’est un vrai problème pour Aulas », affirme Andreff. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour tirer un trait sur toute ambition sportive. « Même si on n’arrive pas à des budgets équivalents à ceux du Bayern, du Real Madrid ou du Barça, ça ne signifie pas qu’on ne peut pas exister face à ces grosses machines, soutient Primault. Il y a toujours un aléa sportif dès lors qu’on réduit l’écart économique. Il faut pouvoir atteindre ce seuil qui se situe entre 250 et 300 millions d’euros de budget annuel, ce qui est un objectif raisonnable pour l’OL. » Raisonnable oui, mais d’ici « cinq à sept ans » selon les estimations les plus optimistes des économistes interrogées. Patience est mère de vertu. Les Lyonnais n’ont pas fini de l’apprendre.
Rédigé par Geoffrey STEINES
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