Tiens figoress voilà un p'tit nonos, régale-toi :Grand Stade cherche grands shows : « Une salle de 25 000 places à Lille, c’est idiot ! » Le stade Pierre-Mauroy souffle en août ses deux bougies. La boîte à spectacles a un an et demi. Et, sauf improbable miracle, la programmation hors matchs du LOSC n’est pas là de tenir ses promesses, soit 15 dates, dont 13 en configuration boîte à spectacles, par an. Deux des plus gros tourneurs français (les organisateurs de shows) crient au scandale et expliquent pourquoi leurs artistes ne mettent pas les pieds dans cette enceinte de Villeneuve-d’Ascq payée en bonne partie par les contribuables de la métropole lilloise et même de la région. Enquête sur ce qui est pour l’instant un échec retentissant.
Dans le rétroviseur du stade, hors LOSC, on trouve Stars 80, Rihanna, Nitro Circus et du rugby. Pour l’année qui vient, on attend encore du rugby, l’équipe de France de foot (lire ci-contre), et un super-cross de moto délocalisé de Bercy (15 et 16 novembre). Les amateurs de musique, eux, n’ont pour l’instant à cocher que la date du 5 septembre pour le concert de Patrick Bruel.
Au stade Pierre-Mauroy dont la direction, « en vacances » cette semaine, n’a pas pu nous répondre, la communication assure que l’équipe est « très active » pour étoffer le calendrier. La garantie ? « Une ou des dates » d’ici à la fin de l’année. Mais, « par prudence », aucune promesse ferme pour cet été.
Nombreux manquésEt pourtant, la fenêtre de tir était rêvée. Pour cause de Coupe du Monde, la saison du LOSC s’arrête fin mai et Bercy est en travaux. Des options auraient été posées pour Stevie Wonder ou Shakira cet été, mais de source très renseignée, il est très peu probable que cela, au final, se fasse. Les manqués seraient ainsi nombreux, à l’instar d’Eminem ou de Robbie Williams.
« Une salle de 25 000 places, c’est idiot »Salomon Hazot, le patron de Nous Productions qui fait tourner (entre autres) ces deux stars en France ne dément pas. « Ç a a peut-être été dans l’air, une idée, un souhait. Mais ça n’a pas été possible ». Et il ne mâche pas ses mots : « Cette salle de 25 000 places à Lille, c’est idiot. En Belgique, il y a des salles. Paris est à côté. Le rapport de remplissage Paris-province est de trois à cinq. À la limite, il aurait été plus logique de faire ça dans le sud, vu l’éloignement de Paris. Et les stars vont plus facilement car la Riviera, ils connaissent. » À l’image de U2 qui, en France, ne joue qu’au stade de France et à Nice.
Rihanna, l’exception qui confirme la règle ? La star de la Barbade, qui a cartonné à Lille, ne serait qu’une « exception. » Les places sont parties très vite. « Mais ils sont combien avec ce potentiel ? » Le producteur cite encore la proximité du festival de Werchter, qui en plus poserait des exclusivités sur ses artistes. Sans compter le relatif gigantisme de la boîte à spectacles et ses 25 000 places. Les gros artistes tournent en configuration Arena, mais plus petites, ou carrément en stade. Ils n’ont pas de show taillé pour cette jauge.
Une salle mal conçue ?Jules Frutos, patron d’Alias (Coldplay, Adele, Blur) et du syndicat national des producteurs de spectacles, Prodiss, trouve la situation « révoltante ». « On donne trop souvent les clefs à des entreprises de BTP qui ne voient la rentabilité que par le sport et ne réfléchissent pas du tout au spectacle. Y a-t-il eu une étude de marché ? Cette boîte à spectacles n’avait pas lieu d’être là et comme ça. La fosse debout par exemple est trop petite (selon l’architecte, un peu plus de 3 000 places dans son format standard, mais il assure que des aménagements sont possibles). Quel groupe de rock voulez-vous que je fasse jouer devant un public assis ? » Gage de la sincérité de sa révolte : « Vous croyez vraiment que si Salomon Hazot ou moi pouvions gagner de l’argent, nous boycotterions, à une époque où Bercy est fermé ? »
Productrice locale, France Leduc, créatrice du Main Square Festival confirme : « Cet outil ne répond pas du tout à sa destination initiale. » D’autant qu’il serait très cher.
La rocambolesque annulation de Depeche Mode faute de chauffage, ayant eu, elle, le don de refroidir un peu plus les producteurs. « C’était la cerise sur le gâteau », s’agace Jules Frutos. La bande de Dave Gahan n’aurait annulé que deux dates dans sa tournée : Lille et Kiev, en UkraineLe chauffage à l’étudeEt ce souci, qui devait être réglé cette année, en est encore aux « phases d’études ». L’architecte de l’enceinte, Pierre Ferret : « On y travaille, mais c’est beaucoup plus compliqué que si on l’avait fait dès le départ comme je l’avais suggéré. J’avais dit que c’était plus important que de chauffer la pelouse. » Et d’ajouter : « Je suis le premier à râler » (que son bébé soit à ce point sous utilisé). La déception est la hauteur des ambitions affichées. On se souvient même de la plaquette de présentation du stade présentant un opéra. À quand ?
« La plus grande boîte à spectacles du monde... Vraiment ? »Attaqué sur le thème « Pourquoi Eiffage a eu le marché alors que son projet était présenté à 440 millions d’euros contre 322 pour Bouygues », Bertrand D’Hérouville, le patron d’Elisa, gestionnaire du stade, s’agaçait : « On ne peut pas comparer deux projets qui n’ont rien à voir. Le nôtre est innovant, multifonctionnel. Ce n’est pas un simple stade, c’est la plus grande boîte à spectacles du monde. » Multifonctionnel pour l’instant à géométrie très limitée. Si bien que cet interlocuteur, pas directement intéressé, suggère qu’Eiffage sponsorise, offre le stade pour un grand événement. Très coûteux peut-être, mais le prix d’une image à sauver.
Bruel prend le «pari» L’histoire retiendra que la date de Patrick Bruel fut la première annoncée après le séisme Depeche Mode. « Le 5 septembre, le risque qu’il fasse trop froid est nul », tranche Olivier Agasse, administrateur de Backline, le tourneur du chanteur français. Mais d’aucuns persiflent : « Vu l’embarras du choix au niveau des dates, opter pour une veille de Braderie, c’est quand même l’art et la manière de se compliquer la vie. » Des Cassandre, pensent sans doute les intéressés. Il est en effet rassurant qu’un LOSC-PSG a pu se tenir sans ambages en pleine Braderie.
Cette fois le « pari », pour citer Olivier Agasse, semble plus conforme puisqu’il est artistique (on se souvient du « pari » météo du patron d’Elisa, gestionnaire du stade, pour
Depeche Mode). Il s’agit de vendre 25 000 places. Un risque certain, d’autant que l’auteur de Casser la voix a déjà fait Dunkerque et deux Zénith. « Mais on va tout faire pour réussir. » Promesses d’« invités », de « surprises », d’une « production plus fournie ». « Ce sera le concert de clôture d’une longue tournée. Une apothéose ». Assurant : « On s’est rendu plusieurs fois à Lille, on a trouvé une équipe sérieuse et une belle infrastructure. » L. D.
Concert le 5 septembre. 37 à 68 €.
Sport : pas d’envolée non plusSi les professionnels du spectacle semblent plutôt réticents à poser leur matériel au stade Pierre-Mauroy, les sportifs, eux, ne rechigneraient pas à s’y installer temporairement. Mais à les entendre, l’accueil réservé par Elisa, le gestionnaire de la structure, est parfois aussi glacial que le chauffage de l’édifice.
Le hockey, c’est compliquéPour Guy Decock, président du club de hockey de Wasquehal, ce n’est pas encore trop gênant. Les basses températures autour de la patinoire, ça le connaît. Ce qui l’embête davantage, c’est de ne pas sentir d’enthousiasme débordant à l’idée d’organiser la finale de la Coupe de France 2015 au Grand Stade. « Elle se déroule tous les ans à Bercy devant 14 000 spectateurs, explique-t-il. Comme le Palais omnisports sera en travaux, nous cherchons un endroit où l’organiser l’an prochain. Les premiers contacts avec Elisa ont été noués à l’été 2013. Mais ça a l’air très compliqué. La Fédération française de hockey sur glace est très dynamique et donc très intéressée pour que cela se passe ici. Moi aussi, en tant que président de club, ça donnerait une visibilité importante à notre discipline. Mais pour le moment, rien n’est fait. »
La Coupe Davis, problème... de chauffageJean-Luc Ténédos est arrivé au même constat. Le président de la ligue des Flandres de tennis rêve d’une finale de Coupe Davis au stade Pierre-Mauroy en fin d’année. Si les Tricolores éliminent la République tchèque en demi-finale, ils pourraient se retrouver face à la Suisse de Roger Federer dans l’ultime confrontation prévue les 21, 22 et 23 novembre. Si cette affiche se confirme, la France serait pays hôte. Mais… « J’ai rencontré M. Baudry, le directeur du stade, il y a un mois à ce sujet, indique le responsable. Il m’a dit que le chauffage pourrait poser problème. »
Une réponse surprenante quand on se souvient qu’après le fiasco
Depeche Mode, Elisa avait promis que la boîte à spectacles serait chauffée dans l’année. « Nous n’avons pas encore de certitude sur ce point technique, reprend M. Ténédos. C’est à se demander à quoi sert ce stade. Cet événement pourrait tellement en redorer l’image, les organisateurs n’ont pas l’air de s’en rendre compte. Très peu de structures sont capables de recevoir un tel événement en France. Tous les paramètres sont réunis pour que cette affiche soit validée ici, la fédération française est derrière nous. Si cela ne se fait pas cette année, ça ne reviendra pas avant longtemps : l’an prochain, la France jouera beaucoup à l’extérieur et nous arrivons à la fin d’un cycle avec les joueurs... »
Prochains grands rendez-vous sportifs au stade Pierre-Mauroy (hors LOSC) : les demi-finales du Top 14 de rugby les vendredi 16 mai à 20 h 30 et samedi 17 mai à 16 h 15 ; ainsi que France-Jamaïque en football, le dimanche 8 juin à 21 h.
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