Grand stade de Bordeaux : une charpente métallique plus lourde que la Tour Eiffel
La charpente métallique du nouveau stade pèsera 12 000 tonnes. Le fruit du savoir-faire d’entreprises exclusivement régionales
De quoi faire pâlir de jalousie les inconditionnels des jeux de construction. La charpente métallique du stade de Bordeaux pèsera 12 000 tonnes, 5 000 de plus que la Tour Eiffel, et sera constituée de milliers de pièces emboîtées et fixées par 160 000 boulons.
Une surprise ici pour ceux qui imaginent un stade super-bétonné. C’est le contraire. Le stade dessiné par les architectes Herzog et De Meuron sera un stade « à l’anglaise ». Tout en acier ou presque, du bas des tribunes jusqu’à la toiture, les 24 kilomètres de gradins de béton reposant eux-mêmes sur des crémaillères en métal.
RECRUTEMENT
Des employés qualifiés difficiles à trouver
Il est étonnant de trouver des unités de production comme Castel et Fromaget en zone rurale, en plein milieu du Sud-Ouest. Les responsables de l’entreprise leader de la construction métallique ne cachent pas que cette situation pose parfois problème. Pour trouver du personnel qualifié notamment. Pour l’unité de Casseneuil, par exemple, Castel et Fromaget a beaucoup de mal à trouver des soudeurs. « On en trouve mais ils débutent ou ils n’ont pas la qualification requise. Or, ici, ce sont des professionnels confirmés dont nous avons besoin. » Avis aux amateurs…
« Ce sera le stade le plus lourd de la prochaine Coupe d’Europe de football », glisse-t-on avec humour chez Castel et Fromaget, à Fleurance, dans le Gers. Ici, on est fier d’être rattaché au groupe Fayat et de participer, aux côtés de Vinci, dans le cadre d’un partenariat public-privé, à la construction du stade de Bordeaux. Un marché qui vient conforter une position de leader.
Castel et Fromaget décroche régulièrement de grosses commandes, comme par exemple la Villa Méditerranée à Marseille (3 000 tonnes de métal) et la canopée du Forum des Halles à Paris (8 000 tonnes). La société est principalement installée à Fleurance dans le Gers, Casseneuil dans le Lot-et-Garonne et Monteils dans le Tarn-et-Garonne.
« Les trois usines travaillent pour le stade de Bordeaux, souligne David Rouxel, le directeur de projet. Avec chacune une production spécifique. Fleurance, ce sont les éléments de charpente et pièces intermédiaires ; Casseneuil, à ce jour, essentiellement les poteaux ; et Monteils, les solives (pièces de charpente qui soutiennent le plancher) et crémaillères. »
Au total, 160 cadres, employés et ouvriers sont mobilisés : une centaine à Fleurance et une trentaine dans chacune des autres unités. « Les employés sont très motivés », constate Sylvain Terral, responsable de la production. Certains ont même accepté de déplacer leurs congés annuels et travaillent actuellement sans relâche.
C’est la magie grand stade : « Participer à la réalisation d’un bel ouvrage, ça stimule incontestablement, répond le directeur du projet. Et puis, chez nous comme ailleurs, il y a des passionnés de foot. »
Des passionnés de foot, mais pas seulement. Les forgerons des temps modernes sont aussi des orfèvres qui travaillent au millimètre, même au micron. Pour couper, assembler, souder… « On n’a pas le droit à l’erreur. Une fois à Bordeaux, il faut que les pièces puissent parfaitement s’emboîter et se fixer », note Sylvain Terral en montrant la précision avec laquelle travaillent les ouvriers.
La fabrication des poteaux est incontestablement, à ce jour, la plus impressionnante, avec le volume des pièces réalisées, leur poids et leur longueur. Cela se passe à Casseneuil, dans un bâtiment aussi grand… qu’un terrain de foot.
« Le bâtiment est réservé et aménagé pour cette seule production », précise Sylvain Terral en allant d’un poste de travail à l’autre. Ici, on découpe les tubes. Là , on fixe les couronnes qui supporteront à différents niveaux les planchers. Plus loin, on soude.
Ce sont 644 poteaux de 70 centimètres de diamètre et plusieurs mètres de long (jusqu’à 37 mètres) qui seront ici conçus. Des pièces maîtresses dans le squelette du grand stade. C’est eux, par exemple, qui supporteront les crémaillères sur lesquels seront fixés les gradins de béton, c’est eux aussi qui soutiendront les toitures, placées à 40 mètres de haut. Aussi font-ils l’objet d’un contrôle sévère. Aucun défaut n’est autorisé. Les soudures sont regardées de près et au moindre doute, elles sont refaites, jusqu’à la perfection.
Une fois fabriquées, les pièces de Castel et Fromaget prennent le chemin, par la route, de deux sous-traitants : Locatelli à Lucbardez-et-Bargues ou Galvalandes à Sarbazan, dans les Landes. Locatelli est chargée de traiter et de peindre les pièces qui lui sont livrées (charpente et poteaux notamment), Galvalandes assure la protection anticorrosion sur les éléments qui ne réclament pas de peinture (comme les crémaillères).
Une fois ces opérations landaises terminées, les éléments prennent la route de Bordeaux où ils sont stockés et utilisés.
Le montage a débuté depuis longtemps mais entrera dans une phase spectaculaire fin octobre. Un travail confié à une autre société régionale : LRB de Trélissac (Dordogne). Au plus fort du chantier, 140 monteurs s’activeront. Ici, ce sont à la fois des rois des jeux de construction et des acrobates.