Stade Jean Bouin (Paris) : un oxymore enveloppé de béton fibré ultra performantEmmanuelle Borne (27-10-2010)Conçu par Rudy Ricciotti, le nouveau stade Jean Bouin défie les apparences : rejeté par les habitants du quartier, il serait pourtant le fruit de leurs requêtes ; vaste, il est surtout compact ; enveloppé de béton, ses façades sont néanmoins transparentes ; véritable prouesse architecturale, il est, aussi, le fruit de considérations urbaines. Découverte.C’est un équipement de 20.000 places couvertes comptant notamment 1.000m² de bureaux, 7.400m² de commerces et 500 places de parking qui remplacerait, fin 2012, l’actuel stade Jean Bouin (12.000 places). En effet, selon la Mairie de Paris, maître d’ouvrage du projet, l’équipement actuel ne satisfait plus les exigences de capacité, de confort et de sécurité nécessaires à l’accueil d’un club de rugby de haut niveau, le Stade français Paris. Une opération de reconstruction cependant vivement décriée par les habitants du quartier et leurs représentants, dont le collectif Jean Bouin et l’association sportive Paris Jean.
Un projet décrié par les riverains mais basé sur leurs requêtes"Il y a un ‘point noir’ : le déplacement des scolaires", explique Christophe Kayser, chef du projet au sein de l’agence Rudy Ricciotti. L’opération implique en effet la suppression des principaux terrains de sport du quartier (dont une piste d’athlétisme et un terrain de hockey), ce qui impose de délocaliser leurs utilisateurs, entre 3.500 et 5.000 scolaires selon les sources.
"Nous n’y sommes pour rien", précise le chef de projet à propos d’une décision antérieure au concours de maîtrise d’oeuvre.
En revanche,
"nous avons rencontré les représentants des riverains plus d’une fois", souligne Christophe Kayser. En fait, le projet conçu par Rudy Ricciotti serait essentiellement le fruit des doléances émises par les habitants du quartier.
"Nous avons pris en compte les demandes concernant le stationnement, la compacité du projet, la végétation ou la hauteur des tribunes", soutient le chef de projet. L’architecte estime d’ailleurs que c’est l’attention portée à ces requêtes qui a convaincu le jury.
"Nous avons bien compris que c’était l’enjeu du projet", poursuit-il. Ainsi,
"l’idée maîtresse du projet est d’être le plus petit possible face aux habitations, en hauteur comme en taille", résume-t-il.
Un stade aussi discret que possible"Nous sommes parvenus à faire rentrer un stade de 20.000 places ainsi que des commerces, des bureaux et des loges sur l’emprise d’un stade de 10.000 places", souligne Christophe Kayser. En intégrant les commerces à l’équipement, l’équipe de Rudy Ricciotti libère le parvis.
"Nous sommes les seuls à avoir proposé des espaces extérieurs aussi conséquents", raconte-il.
Autre sujet d’inquiétude auquel l’agence estime avoir répondu : la hauteur des tribunes. Alors que l’architecte avait toute liberté pour monter jusqu’à 24 mètres,
"les tribunes ne s’élèveront que jusqu’à 17 mètres maximum face aux résidents", commente le chef de projet. A hauteur variable, façade courbée ;
"elle ondule et se retourne en couverture", précise-t-il. Un mouvement
"synonyme d’effort qui ne saurait prendre corps au sein d’une enveloppe figée".
"Une prouesse technologique"Outre son aspect ondulé, l’enveloppe du projet a ceci de particulier qu’elle est composée de béton fibré ultra performant (BFUP), un mélange de béton et de verre. Signature de l’agence Rudy Ricciotti, cette résille de béton permet, aussi, de relever un pari, celui
"de proposer de la transparence tout en remédiant au problème de l’acoustique".
"Notre projet est avant tout une prouesse technologique", souligne Christophe Kayser.
Si le projet est livré, comme prévu, en 2012, il représentera une première mondiale ; "c’est la première fois que le BFUP sera mis en oeuvre dans des proportions aussi importantes", observe-t-il. Entre temps, un prototype a été testé et validé par le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment).
Une vocation urbaineDéfi architectural, le nouveau stade Jean Bouin est, à l’instar de tous les projets signés Rudy Ricciotti, un véritable emblème urbain respectueux de son contexte. D’une part, il valorise l’espace public. Soumis à une étude de sécurité publique, désormais obligatoire pour tous les ERP de première catégorie, le projet aurait pu effectivement compter une clôture.
"Nous avons réussi à convaincre la Préfecture de Police de ne pas mettre en place cette clôture, ce qui permet de réconcilier le complexe sportif et son espace public", commente le chef de projet.
Par ailleurs, citant l’estime que porte Rudy Ricciotti au Parc des Princes, situé à 50 mètres du stade, Christophe Kayser précise que le projet fait également "allégeance" au bâtiment conçu par Le Corbusier (l'immeuble Molitor) qui se tient face à la parcelle, 24 rue Nungesser et Coli.
"Nous n’avons pas implanté le stade contre ce bâtiment mais en contrebas", précise-t-il.
"Nous sommes surtout là pour offrir une nouvelle écriture du béton", résume l'architecte.
Fiche technique- Programme : stade de 20.000 places comptant installations sportives, 7.400m² de commerces, 1.000m² de bureaux et un parking de 500 places (dont 100 à tarif résidentiel).
- Caractéristiques écologiques : 2.800m² de panneaux photovoltaïques, récupération de l’eau de pluie.
- Maître d'ouvrage : Ville de Paris
- Architecte : Rudy Ricciotti (Agence Rudy Ricciotti ; Christophe Kayser, chef de projet)
- BET : BERIM (corps d'état technique) / Romain Ricciotti (BFUP) et Guillaume Lamoureux
- Acousticien : Thermibel
- Surface totale : 38.000m²
- Concours : 2007
- Enquête publique : 7 septembre au 9 octobre inclus
- Présentation du projet au Conseil de Paris : début 2010
- Début des travaux de démolition-reconstruction : premier trimestre 2010
- Livraison prévue : septembre 2012
- Coût : 145M€ sans compter la reconstitution des équipements sportifs sur les pelouses centrales de l’Hippodrome d’Auteuil (24M€).