http://www.olympique-et-lyonnais.com/en-immersion-dans-le-pc-securite-du-parc-ol,133137.htmlOLYMPIQUE LYONNAISEn immersion dans le PC Sécurité du Parc OLFlorent Deligia
ParFlorent Deligiapublié de 10 avril 2017
PARTAGER TWEET PARTAGER COURRIEL COMMENTAIRES
OL – LORIENT, SAMEDI 8 AVRIL, POUR LA PREMIÈRE FOIS, L’OLYMPIQUE LYONNAIS NOUS A AUTORISÉS À SUIVRE UN MATCH DEPUIS LE PC SÉCURITÉ. PENDANT PLUS DE DEUX HEURES, NOUS AVONS PU PARTAGER LE QUOTIDIEN DE CES HOMMES ET FEMMES QUI VEILLENT SUR LE PARC OL DURANT LES MATCHS.
Samedi 8 avril, quand tous les regards sont tournés vers le match contre le Besiktas, nous avons pu assister à la rencontre OL – Lorient depuis le PC sécurité du Parc OL. Le dispositif se cache derrière une lourde porte, entre le virage sud et les tribunes ouest, juste en dessous de la volée haute. Réparties sur quatre pièces, ces installations sont impressionnantes. Tout à droite, une salle est dédiée au contrôle du son et de l’image dans le stade. Au milieu, dans la pièce centrale, pompiers, secouristes bénévoles encadrés par des professionnels, et médecins se tiennent prêts. Face à la baie vitrée, les équipes de l’OL sont là pour coordonner les opérations. Ascenseurs qui tombent en panne, tourniquets hors service, les membres du PC sécurité sont aussi informés du moindre pépin. Deux personnes sont présentes pour intervenir et assurer la maintenance. En retrait, un homme fait face à une extraction du PC Keolis pour gérer la partie transport en commun.
Enfin, au fond de cette même salle, la console vidéo accueille jusqu’à quatre opérateurs pour contrôler et surveiller plus de trois-cents caméras. Ce soir-là, le dispositif est sous la responsabilité de Florian Charrel, adjoint d’Annie Saladin, la directrice de la sécurité, qui est en repos entre la finale de Coupe de la Ligue et OL / Besiktas. Les caméras couvrent tous les angles, y compris par dessus et par dessous. La vision à 360 degrés est optimale et rien n’échappe aux yeux des opérateurs. Ultra haute définition, elles permettent de voir parfaitement les visages, même lorsqu’elles sont situées à l’opposé des tribunes qu’elles filment.
Tout à gauche, une pièce est réservée à la police qui a accès aux caméras à l’extérieur du Parc OL, ainsi que celles dans les transports en commun. Derrière, une autre est dédiée à la salle de crise en cas d’incident grave ou du déclenchement du plan ORSEC. Le personnel de l’OL et la police travaillent en concertation. Avant le match, un supporter de Lorient a malmené un agent d’accueil. Xavier Pierrot, stadium manager, décrit la procédure qui va suivre : « Dès qu’un individu fait un acte, on vérifie qu’on est sûrs de nous avec les enregistrements vidéo, puis on appelle un officier de police judiciaire qui vient confirmer ou non l’acte. Si l’agent dit oui, on envoie des stadiers qui l’interpellent, voire la police. L’individu est alors amené à la VDI (NDLR Voie de desserte interne). En cas de besoin, nous pouvons aussi compter sur la SIR, section d’intervention rapide ». Si par hasard un incident échappe aux contrôleurs, les enregistrements sont conservés pendant quinze jours : « C’est la loi, soit une procédure judiciaire est lancée et on extrait les bandes, soit elles sont automatiquement effacées. Il nous arrive de revenir sur des enregistrements plusieurs jours après, pour voir par exemple qui est responsable d’un accrochage sur le parking ».
LES REGARDS TOURNÉS VERS JEUDI
Cette visite au PC sécurité est aussi l’occasion de parler avec Xavier Pierrot du quart de finale de Ligue Europa contre le Besiktas, jeudi 13 avril. Face à ce challenge, le stadium manager reste humble : « Avant le match, nous n’allons pas faire les malins, il faudra être mobiles et vigilants. Nous espérons que les Turcs viendront faire la fête, mais le contexte ne pousse pas à l’optimisme ». La politique sera claire : tolérance zéro « Il faut marquer le territoire dès le début, montrer qu’aucun dérapage ne sera accepté ».
Pour le match de jeudi, Xavier Pierrot profite de notre visite pour donner quelques conseils : « Venez tôt, il y aura un double contrôle de billet, avec une première étape en bas des rampes. Des agents d’accueil auront des PDA pour vérifier qu’il ne s’agit pas de faux ou double. Les palpations seront plus importantes, ce sera le plus gros dispositif qu’on ait jamais eu, y compris depuis Gerland. On ne fera pas de cadeau sur la sécurité ». Au moins six-cents policiers et mille stadiers seront mobilisés. Le club a pensé à tout, y compris à recruter du personnel parlant Turc pour faciliter le dialogue avec les supporters du Besiktas. Enfin, pour ceux qui auraient décidé de vendre plusieurs fois leur billet, Xavier Pierrot prévient : « L’acheteur initial est responsable de ses billets. S’il revend volontairement ses billets et que d’autres en font de mauvais usages, on poursuivra l’acheteur d’origine ».
PÉDAGOGIE AVEC LES ABONNÉS
Au milieu de notre conversation, l’OL marque le premier but, les spectateurs exultent. Au PC sécurité, il y a comme une odeur d’ozone avant un possible orage. Les mâchoires se crispent, les regards couvrent tous les angles à travers les caméras à la recherche d’une célébration qui pourrait aller trop loin dans les tribunes ou d’un fan qui chercherait à envahir le terrain. L’orage n’éclatera pas, l’ozone se dissipe. Xavier Pierrot rappelle d’autres enjeux, au-delà de la sécurité: « Pour le match contre la Roma, il n’y a eu aucun incident, pourtant, l’UEFA nous a mis une amende de 35 000 euros, car les supporters sont allés derrière les panneaux LED, ils n’ont pas mis un pied sur la pelouse. Avec la Ligue, si on porte plainte après un envahissement de terrain, il n’y a pas d’amende ». L’ennui des spectateurs est aussi un ennemi : « On n’aime pas trop les pogos, nous ne sommes jamais sûrs que ça ne va pas dégénérer. C’est autorisé, mais on intervient si ça part trop loin ou que quelqu’un essaye de casser un siège ». Xavier Pierrot se veut pédagogue en cas de « petit incident » : « On fait sortir la personne concernée et on lui confisque son abonnement. La semaine suivante, elle est convoquée dans mon bureau. Avant de rendre l’abonnement, je lui explique qu’il y a carton jaune, la prochaine fois, c’est rouge. On fait passer des messages, j’ai parfois un rôle de papa et je garde un côté compréhensif, mais sur certains sujets, c’est tolérance zéro comme les bagarres ou les actes politiques ».
BÂCHE CONFISQUÉE
Lorient égalise, la vigilance remonte d’un cran. Virage sud, des indépendants tentent de déployer une banderole non déclarée. En quelques secondes, elle est repérée par la sécurité qui l’a fait replier. Les bâches doivent être annoncées avant le match explique Xavier Pierrot : « Nous leur demandons de les déclarer. Nous sommes pour la liberté d’expression, nous demandons juste au groupe de supporters de ne pas faire d’attaques nominatives ». Le stadium manager souligne les relations avec les kops, basées sur la confiance et le dialogue : « Pour le match contre le Besiktas, on les a rencontrés, on leur a demandé qu’elles étaient leurs craintes, comment on pouvait les aider, et surtout de ne pas faire eux-mêmes la police ». L’arbitre siffle la mi-temps, une partie des caméras basculent sur les coursives, Xavier Pierrot observe le moindre détail avec ses équipes : « Ça nous permet de voir les fonctionnements des buvettes et d’améliorer le parcours des clients dans les files d’attente. À Gerland, je marchais tout le temps autour du stade. Aujourd’hui, nous avons une meilleure vue à 360 degrés en restant ici. Nous pouvons identifier les comportements suspects dès le parvis, demander une intervention s’il y a un sac par terre ».
DES INTERVENTIONS RAPIDES
Durant la deuxième mi-temps, un opérateur remarque un début de bagarre dans le kop virage sud. Florian Charrel coordonne l’intervention avec les stadiers. En moins d’une trentaine de secondes, les deux supporters sont séparés et évacués vers les travées. Une vingtaine d’autres membres du virage sud vont les suivre, il faut éviter le suraccident et une bagarre plus importante. L’un dit avoir reçu un verre de bière au visage, d’autres évoquent des « chants stéphanois ». La sécurité calme les esprits et les suiveurs retournent dans leur tribune.
Lorient aggrave le score et mène alors 4 à 1, une altercation éclate dans un salon entre des supporters de Lorient « chambreurs » et ceux de Lyon. À travers sa radio, Florian Charrel demande aux agents de sécurité de raccompagner les Lorientais jusqu’à leur bus et de s’assurer que tout se déroule dans le calme. Au passage, même si les choses ne sont pas liées, il en profite pour vérifier qu’il n’y a pas eu de dégâts en parcage visiteurs, « RAS » grésille la radio.
FIN DE MATCH DIFFICILE
Fin de match, le kop virage sud retourne sa sono en direction terrain, des insultes sont lancées vers les joueurs. Hugues Esteban, responsable des relations avec les supporters, rejoint le kop pour s’expliquer calmement. Le joueur Mapou Yanga-Mbiwa vient à son tour parler avec le virage. La sécurité est vigilante, rien ne doit déraper. Comme pour s’excuser, Mapou offre son maillot. Dans le PC sécurité, tout le monde s’est réuni devant le poste de contrôle des caméras. Les spectateurs se dirigent tranquillement vers les sorties, mais les équipes de Xavier Pierrot sont toujours sur le qui-vive. Sur un écran de contrôle filmant l’une des travées, le ton monte entre deux individus. Après vérification, c’est un couple qui se dispute, définitivement rien n’est laissé au hasard. Un deuxième écran montre le ballet des trams qui quittent le Parc OL, leur danse se prolongera au même rythme durant 30 minutes. Ensuite, la fréquence retombe, les retardataires ou ceux qui restent dans les salons ne seront pas oubliés. Du côté des parkings voitures, là encore, les équipes de Xavier Pierrot surveillent le flux continu. Pour éviter un embouteillage, une nouvelle sortie est ouverte. Le personnel s’assure que la voie n’est pas saturée à son tour, formant un bouchon qui pourrait remonter jusqu’aux routes qui entourent le stade, « RAS » bis.
PROTÉGER ET SERVIR
Alors que tout le monde pense que la soirée va bientôt s’achever, le PC sécurité est informé qu’un enfant de dix ans a été retrouvé. Immédiatement, les opérateurs vidéo scrutent les caméras à la recherche de parents qui pourraient être à sa recherche. La sécurité apprend que l’enfant fait partie d’un groupe. Une caméra est braquée sur le parking des bus où le jeune homme reconnaît l’autocar avec lequel il est arrivé. Stupeur, son groupe ne semble pas s’inquiéter de sa disparition. Une voiturette amène l’enfant vers le parking. Va alors se déclencher l’une des courses contre la montre la plus surréaliste de la soirée. Le groupe de l’enfant commence à monter dans le bus, le parking se vide et la voiturette n’est toujours pas arrivée. À travers sa radio, Xavier Pierrot monte d’un ton : « Bloquez les bus, je ne veux voir aucun bus sortir du parking tant que l’enfant n’est pas monté dans le sien ! ». La sécurité s’exécute sous le regard des caméras de surveillance qui suivent toute l’action. La voiturette apparaît enfin sur le parking et le jeune supporter rejoint ses accompagnateurs. La caméra zoome sur l’intérieur du bus où l’on aperçoit les organisateurs du voyage compter les enfants, enfin… Taquin, Xavier Pierrot se tourne vers nous : « Lors des matchs comme celui-là, il ne se passe pas autant de choses. On va finir par croire que vous êtes un chat noir (rires partagés) ». 23h, les lumières du PC sécurité commencent à s’éteindre. La tension retombe enfin.