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Caen : Interview du MNK et explication des raisons de la grêve
Stade : Stade d'Ornano   27/10/2011

Le Malherbe Normandy Kop ne chante plus. Depuis le match Caen-Brest disputé le 31 août dernier, le kop caennais garde le silence, et il y a de l’écho au stade Michel d’Ornano. Face à Lyon, les 16 000 spectateurs présents dans le stade sont restés muets pendant quatre-vingt dix minutes, à tel point qu’on aurait cru assister à un match à huis clos. Comment a-t-on pu en arriver là ? Explications avec Stéphane Guy-Villy, vice-président du Malherbe Normandy Kop, qui nous détaille les raisons de cette action inédite à Malherbe.

Bonjour Stéphane. Le MNK a entamé une grève silencieuse lors des matches à domicile. Pouvez-vous nous en rappeler les principales raisons ?

Elles sont nombreuses… La première raison est la politique tarifaire du club. Chaque année, les prix augmentent environ de 20%, c’est tout simplement inacceptable (ndlr : le prix minimum pour une place à d’Ornano est parmi les plus élevés de Ligue 1). On va finir par vider le stade, à ce rythme-là... Ensuite, il y a les revendications « ciblées » du Malherbe Normandy Kop, concernant les animations. Depuis un certain temps, le club nous bloque ; la réalité est simple : ils veulent à tout prix nous contrôler, avoir la mainmise sur les animations. Désormais, on nous bloque l’accès au stade avant les rencontres pour préparer les tifos, et on nous a retiré l’accès aux espaces de stockage, pour entreposer notre matériel. C’est à peine croyable, parce qu’on n’a jamais fonctionné comme ça par le passé...

Qu’est-ce qui a changé dans la gérance du club, alors ?

L’une des principales sources du problème vient de l’adjoint du chef de la sécurité Pilou Mokkedel. L’adjoint en question se nomme Laurent Charbonnet (ndlr : il apparaît sous le titre « Adjoint sécurité » dans l’organigramme officiel du club). C’est un jeune, tout frais sorti de l’école, qui a tout de suite voulu s’imposer, et qui fait du zèle. On a eu droit à une augmentation des stadiers et de la présence policière aux abords du stade, sans que ce soit justifié. Lors du match Caen-Auxerre, en janvier dernier (ndlr : le 29), il y a même eu un contrôle d’alcoolémie à l’entrée du stade. Des personnes ont été refoulées avec un taux de 0,2 grammes d’alcool par litre de sang. C’était du délire : on disait aux gens qu’ils n’avaient pas le droit de rentrer dans le stade, mais qu’ils avaient le droit de rentrer chez eux en voiture ! Une personne à la retraite n’a pas eu le droit de rentrer parce qu’elle avait bu une bière ! Mais ça n’a aucun sens ! Et c’est là qu’on en arrive au vrai déclencheur de la situation actuelle, survenu lors de la 38e et dernière journée de la saison dernière… Le club voulait un stade en ébullition, c’était le match du maintien, et c’était contre l’OM. On avait un accord avec les dirigeants pour allumer des fumigènes qui devaient ensuite être récupérés par les stadiers. Sauf qu’à la fin, une personne du groupe a été interpellée par la gendarmerie. Une interdiction de stade deux ans a été prononcée pour cette personne, et le club s’est porté parti civil pour réclamer la peine la plus sévère qui soit, chose inédite dans le football. Je ne conteste pas la décision de justice, mais la façon dont les faits ont été rapportés et dont la justice les a appréhendés : on a dit que la personne était ivre, mais personne ne connaît son taux réel d’alcoolémie à ce moment-là, il a été puni pour avoir six fumigènes sur lui alors qu’il ne faisait que centraliser les fumis avant de les distribuer, comme ça se fait toujours... Aux yeux de l’opinion publique et de la justice, voilà comment les choses ont été perçues… Le club a demandé la peine maximale, qui a été appliquée, soit deux ans d’interdiction de stade et une amende de 1 000 euros, dont 500 avec sursis. Cette affaire a été le déclencheur de ce qui se passe aujourd’hui, mais au final, ce n’est que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Banderole lors de Caen - Lille (Août 2011) - crédit photo : info-stades.fr

Depuis combien de temps cette cessation d’activités du MNK couve t-elle ?

On a commencé notre action le 31 août, pour la réception de Brest (ndlr : en Coupe de la Ligue). En fait, un autre élément précurseur a lieu en marge de Caen-Nancy, l’an dernier. L’adjoint de Mokkedel, toujours lui, avait été irrespectueux quand on l’avait contacté pour l’informer de nos animations. On voulait donc marquer le coup également pour cela, histoire de dire « Tu veux tout contrôler ? Eh bien, nous ne répondrons pas à tes exigences ! ». Ce mec, il est issu de ce master créé par la LFP autour de la sécurité dans les stades. Mais ce n’est pas son arrivée qui va changer notre manière de faire. Tout s’est toujours très bien passé, non ? Résultat des courses, on n’a pas réussi à se mettre d’accord, et il nous a refusé l’accès au stade pour l’installation des animations.

Pensez-vous que le club est touché par cette grève, et si c’est le cas, à quel niveau ?

On s’est aperçu que Mokkedel gérait tout cela, et que le président Fortin suit l’affaire de loin. C’est sa manière de faire, il délègue beaucoup. Mais j’imagine que ça commence à ennuyer pas mal de gens, cette histoire, parce que ça fait quand même mauvais genre, pour les annonceurs, de constater que tout un stade est muet pour la réception du leader, d’une grosse équipe de Ligue 1 (ndlr : le récent Caen-Lyon). Tant mieux pour nous, si ça affecte les responsables du club. La prochaine étape de notre action est de rencontrer Fortin. En tête-à-tête, avec personne d’autre pour interférer. Lors de précédentes réunions, il y avait de nombreuses personnes qui n’avaient rien à faire là, comme le chef des stadiers, et même un ancien militaire, dont on ne savait pas qui il était. Cette réunion avec le président Fortin, on la proposera aussi au SMC10 (ndlr : association des 10 actionnaires du Stade Malherbe de Caen). C’est bien qu’on puisse avoir une discussion comme ça. Un premier pas a été fait contre Lyon, quand un de nos membres a été invité en tribune prestige. Lors du discours précédant la conférence de presse, Mokkedel a déclaré qu’il ne comprenait pas ce qui se passait, alors qu’il sait très bien, au contraire. Alors le membre du MNK qui avait été invité est intervenu, il a pris la parole pour expliquer la situation selon notre point de vue, sans que Mokkedel puisse intervenir...

Existe-t-il encore un dialogue avec le club aujourd’hui, ou tout est à reconstruire ?

Pilou Mokkedel déclare souvent : « Ma porte est toujours ouverte ». Alors peut-être que la porte est toujours ouverte, mais le personnage, lui, est complètement fermé. C’est aberrant qu’il soit toujours là. Je veux dire, il est peut-être très au fait des mécanismes du milieu, il a beaucoup de contacts, mais ça ne suffit pas. En plus, il fait croire qu’il n’est au courant de rien.

On a connu les épisodes des sites Internet attaqués par le club (le Papablog en 2007 et Passion Malherbe, qui a fermé l’an dernier quand sa rédactrice a été blacklistée par le club), et aujourd’hui les supporteurs… Est-ce que cela révèle une maladresse chronique du SMC à gérer son image ?

En fait, ce malaise s’est révélé lors d’un match contre Guingamp, où nous avions brandi une banderole contre la fermeture du forum sur le site officiel. Le Stade Malherbe a un gros problème avec le contrôle de son image sur Internet. D’abord, le club n’a pas pris position dans l’affaire du Papablog (ndlr : en 2007, les créateurs d’un blog satirique parodiant le Petit José, inspiré d’Anigo à l’OM, sont menacés de poursuite par Franck Dumas en personne, pour l’usurpation satirique et hilarante de l’identité de Patrick Parizon, dit « Papa »). C’est quand même incroyable de voir une personnalité publique prendre position contre des supporteurs de sa propre équipe ; le club aurait dû s’interposer, ramener le calme. En fait, le SMC craint énormément pour son image. On devrait avoir le droit de tout dire et de tout écrire sur Malherbe, non ? Mais pour le club, c’est hors de question. Ils sont prêts à mettre tous les moyens en œuvre pour interférer et reprendre le contrôle. Il n’y a qu’à voir la censure exercée sur la page Facebook du club. Dès qu’il y a un commentaire un tout petit peu négatif, il est supprimé, et parfois même, l’internaute responsable est banni. On bannit des supporteurs de la page Fan, c’est quand même invraisemblable ! Le mot est sans doute fort, mais c’est presque un régime totalitaire, l’idée étant avant tout de garder le contrôle et d’empêcher toute déclaration qui ne soit pas synonyme de « Caen est génial ».

Admettons que le club n’accède à aucune de vos demandes… Combien de temps la grève pourrait-elle durer ?

Voilà une question à laquelle il est très difficile de répondre. La vérité, c’est que je n’en sais rien. Peut-être un mois, six mois, toute la saison... Peut-être même qu’on ne reviendra jamais, même si je n’ose pas imaginer qu’on puisse en arriver là. Il est évident qu’un stade « mort » à ce point va provoquer quelque chose. Surtout que l’autre kop, tout nouveau, Caen1913, n’a rien fait et ne s’est pas fait entendre contre Lyon. La création de ce club de supporteurs, c’est aussi une manœuvre du SMC, par ailleurs. Ils ont débauché des membres du MNK, pas les plus impliqués, évidemment, pour essayer de les mettre en piste. Le problème pour eux, c’est que notre action survient un peu tôt pour qu’ils puissent assurer la transition et prendre le relais. L’autre problème, c’est que certains supporteurs ne comprennent pas notre démarche, par manque d’intérêt ou désinformation. Il y a des gens qui ne sont pas contents, qui estiment que le prix du billet inclut le spectacle et les chants de supporteurs. Ils considèrent que c’est notre boulot. Mais notre action est de plus en plus visible. Notamment contre Lyon, une très grosse équipe. Les journalistes ne comprenaient pas, il a fallu attendre Jour de Foot, après la rencontre, pour que le commentateur parle d’une grève. Mais bon, on n’aime pas ce terme de « grève ». Ce n’est pas une grève des encouragements. Si quelqu’un veut chanter et applaudir, on ne l’en empêchera pas. On reproche au club de ne pas nous laisser assez de libertés, ce n’est pas pour commettre les mêmes erreurs. Ce n’est pas une grève, je n’aime pas trop ce mot, c’est davantage une cessation d’activités. Et uniquement à domicile, je tiens à le préciser, parce qu’on continue à soutenir l’équipe à l’extérieur.

N’avez-vous pas peur que cela ait un impact sur les joueurs, qui perdent le soutien du public lors des matches à domicile ?

(il réfléchit) Hm, non, pas vraiment... Quand on a un peu invectivé les joueurs, par le passé, pour leur demander de se réveiller, certains nous ont dit « Que vous soyez là ou pas, on s’en fout ». Bon, eh bien, on s’en tient là. Et puis Rémi Garde a déclaré après le match mercredi soir : « Comme le public était endormi, on s’est endormis aussi ». Si on arrive à endormir l’adversaire, que demande le peuple ? (rires)

Sinon, histoire de positiver, quel est ton pronostic pour le classement final du SMC cette saison ?

Un pronostic ? Je ne vais pas être très optimiste : on va finir 17e, pour se maintenir « ric-rac ». Oh, et puis allez, non, je vais dire 10e ! C’est possible avec cette équipe très prometteuse, et ça nous permettrait d’avoir d’autres ambitions l’an prochain.

Merci à Arsenik, du blog sofoot smcaen pour le partage de l'interview

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