En France, les premiers groupes de supporters apparaissent au milieu des années 80. Les trois premiers sont le Commando Ultra (OM, 1984), les Boulogne Boys (PSG, 1985) et la Brigade Sud (OGCN, 1985). Depuis, le mouvement s'est propagé et chaque club de Ligue 1 est soutenu par un ou plusieurs groupes.
Les trois éléments majeurs qui définissent les ultras sont :
- Les chants : Sous l’impulsion du capo (de « tête » ou « chef » en italien et par extension meneur), les chants doivent être constants durant tout le match et cela, quel que soit le score. La puissance, la variété et l’omniprésence des chants sont des atouts pour la réputation d’un groupe.
- Les tifos : caractéristique essentielle du supporterisme sur le modèle anglais. Les spectacles de soutien (torches, fumigènes, feuilles de papier, feux d’artifice, etc.) montrent l’attachement des ultras à leur club mais aussi la puissance du groupe.
- Les déplacements : les ultras suivent leur équipe quand celle-ci joue à l’extérieur. Le groupe pose généralement sa bâche afin de montrer sa présence aux ultras adverses.
Une coordination nationale impossible ?
Les différents groupes sont rivaux dans les tribunes, chaque groupe voulant montrer sa supériorité sur un autre. Néanmoins, il existe aujourd’hui des amitiés entre certains groupes, prouvant qu’une union n’est pas impossible (exemple des Ultramarines bordelais et des MF 91 de Saint-Etienne). Au niveau national, l’union des groupes ultras est plus difficile. La plupart du temps, les différents groupes français s'unissent à la suite d’un drame comme ce fût le cas en 2007, suite au décès d’un supporter parisien.
Les ultras des différents groupes de l'hexagone se concertèrent ensemble en 2007 pour mettre en place des actions communes et aboutir ensemble à une manifestation visant à défendre leurs droits et faire entendre leurs voix. À l'initiative des Boulogne Boys 1985 (groupe parisien) s'était créé le CNS (Coordination Nationale des Supporters) dont la première action fut une banderole commune dans les différents stades français : "supporter n'est pas un crime".
Cependant, ce comité national s'est vite dissipé, certains grands groupes n'ayant jamais voulu rejoindre ce mouvement pour des raisons peu claires, sans doute une question de leadership. Ils fondèrent alors la Coordination Nationale des Ultras, organisation regroupant 24 groupes ultras d'équipes différentes.
Le 17 avril 2008 a officiellement marqué la fin du groupe parisien des Boulogne Boys 1985. Cette dissolution, prononcée par Michèle Alliot-Marie, survenue suite à l'affaire de la banderole parisienne lors de la finale de la Coupe de la Ligue contre Lens. Cette dissolution a été unanimement dénoncée par les ultras et donna lieu à une manifestation le 17 mai 2008 organisée conjointement à Lens et à Nice. Cette marche commune de différents groupes ultras réunit au total plus de 2 700 supporters classiques et ultras (environ 700 à Lens et 2 000 à Nice). Cette manifestation avait pour but de dénoncer la répression abusive dont sont souvent victimes les ultras, de favoriser la liberté d'expression de ceux-ci mais aussi de dénoncer le football business, que les ultras ne cessent de dénoncer au profit d'un football populaire. Cette manifestation a réuni des groupes de différents clubs français mais aussi belges, suisses et italiens ainsi qu'allemands venus dénoncer les mêmes problèmes vécus dans leurs pays.
Le 13 octobre 2012, une manifestation à Montpellier regroupe un millier d'ultras venus de toute la France et quelques groupes d'Italie et de Suisse. Les revendications sont doubles : soutenir "Casti", un ultra qui a perdu un œil suite à une bavure policière selon les ultras montpelliérains, mais aussi nationalement se regrouper contre les mesures de la loi LOPPSI 2 et contrer une éventuelle application du plan Leproux à l’échelle nationale.
Reconnaissant le rôle important des ultras dans la vie des stades français, le gouvernement français décide d'organiser une table ronde avec les divers acteurs du football. Ainsi, s'est tenu un premier Congrès National des Associations de Supporters au Stade de France, le 28 janvier 2010, sous l'égide du sociologue et ancien ultra Nicolas Hourcade.
Une grande partie des groupes ultras français ont participé à cette réunion et aux groupes de travail réunissant des ultras, des supporters dits "classiques" et des représentants de la LFP, du gouvernement, des forces de l'ordre et des médias. L'objectif était de trouver des solutions pour que les ultras puissent continuer d'animer les stades dans de meilleures conditions et en éradiquant la violence. Presque tous les clubs professionnels étaient représentés. En fin de congrès, des discours de Rama Yade et Frédéric Thiriez ont été accueillis sans grand enthousiasme par les groupes ultras présents.
Une répression de plus en plus forte ?
En 2008, les ultras ont connu un coup d’arrêt important avec la dissolution des Boulogne Boys 1985, l’un des plus anciens groupes français. Cette dissolution n’était qu’une première étape d’un plan plus large dans la capitale. En effet, suite à différents incidents le fameux « plan Leproux » est entré en vigueur. Tous les principaux groupes ont disparu du Parc des Princes qui était pourtant une place forte du mouvement ultra. L’année 2010 fût marquée par de nombreuses autres dissolutions.
En avril 2010, sept groupes d'ultras français (de Paris, Nice et Lyon) sont dissous par le gouvernement. En cause, les violences qui se sont produites ces dernières saisons. Parmi les intéressés, on trouve des associations parisiennes (les Supras Auteuil 1991, les Authentiks et les Paris 1970, la Grinta) et lyonnaise (la Cosa Nostra de Lyon), mais aussi des «groupements de faits» à Nice (Brigade Sud) et à Paris (Commando Loubard et Milice Paris).
Les ultras avancent une explication : «Ça fait des années que le mouvement ultra est menacé, mais maintenant que la France veut l'Euro 2016, les groupes subissent une pression énorme. En Allemagne, il s'est passé la même chose avant leur Mondial, ils ont fait le ménage.»
La dissolution est-elle la solution ? La secrétaire d'Etat aux Sports de l’époque, Rama Yade, s'en est en tout cas félicitée. «Je pense qu'il est important d'agir et de frapper fort pour dire aux bandes violentes qu'il n'y aura pas d'impunité». Lors du Congrès des associations de supporters, il a été dit que les dissolutions privent les autorités d'interlocuteurs.
Ces dernières semaines, plusieurs groupes ont dénoncé le comportement des pouvoirs publics et notamment des forces de l’ordre en marge de différentes rencontres. Les Magic Fans, notamment après la rencontre à Reims ont dénoncé le comportement abusif des policiers. Suite à cette rencontre un de leur membre a d’ailleurs été condamné à un an de prison ferme et cinq ans d’interdiction de stade pour violence. Les Magic Fans sont en ce moment dans l’œil du cyclone, et la menace d’une dissolution plane au dessus de ce groupe. Plusieurs groupes ultras français ont apporté leur soutien au groupe stéphanois. Le soutien apporté a même dépassé nos frontières car les ultras de la Torcida Split, célèbre association d'ultras d'Hajduk depuis 1950, a alors affiché son soutien sans failles à ses homologues foréziens.
Mais les Magic Fans ne sont pas les seuls à se plaindre. Les ultras de Lorient en déplacement à Lyon ont également condamné le comportement des forces de l’ordre. En effet, plusieurs membres des ultras de Lorient ont été conduits hors du stade manu militari par les forces de l’ordre suite à l'allumage d'un fumigène. Plus récemment encore, les Ultramarines bordelais n’ont pas pu rentrer leur bâche et leurs drapeaux dans la nouvelle enceinte lilloise. Des affrontements ont également éclatés durant la mi-temps du match. Le week-end dernier, les Ultramarines en déplacement à Toulouse ont de nouveau dénoncé le comportement des forces de l’ordre. Autorisés à rentrer dans le parcage visiteurs seulement 10 minutes après le coup d’envoi, les Ultramarines ont eu le droit à une triple fouille individuelle qui a duré plus d’une heure, ainsi qu’à une inspection poussée de leur matériel (bâches, tambours, calicots etc.). De plus, lors de la sortie du parcage, la SIR (Section d’Intervention Rapide) a procédé à l’interpellation musclée d’un supporter bordelais, identifié comme ayant « craqué » un fumigène (accusation niée fermement par les Ultras qui affirment que l’individu est resté à côté du meneur qui tenait le mégaphone pour lancer les chants pendant l’intégralité du match). Devant les réactions et les protestations de certains supporters assistant directement à l’interpellation, les gendarmes mobiles sont à leur tour intervenus en fermant les portes de l’allée séparant le parcage des véhicules bordelais et la tribune visiteurs du Stadium. But de la démarche ? Isoler les Ultras dans le parking pour les gazer à coups de bombes lacrymogènes et rétablir l’ordre par la force. Ce n’est donc qu’après une attente de plus d’une demi-heure (en plus de l’attente habituelle d’environ un quart d’heure pour sortir d’un parcage après un match à l’extérieur) que la majorité des supporters ont pu regagner leurs véhicules… le tout, bien évidemment, dans une ambiance délétère et sous la surveillance de dizaines de CRS, casqués et armés de boucliers, ainsi que de membres de la SIR, matraques bien en vue.
En déplacement à Nancy, banderole de soutien au supporter incarcéré (pour violence suite au match Reims-ASSE)
La répression est-elle la seule solution ?
Comme l’illustre le paragraphe précédent la répression est de plus en plus importante en France. Pourtant, certaines solutions peuvent être trouvées notamment grâce au dialogue. Plusieurs personnalités du monde du football plaident pour ce dialogue entre les différentes parties. La Norvège semble être le meilleur exemple du fait qu’un dialogue constructif peut être à l’origine d’une évolution des mentalités. Cette évolution pourrait permettre de considérer les ultras comme les animateurs des stades, car un stade sans un ultras c’est un stade sans vie. Et dans certains cas, il est intéressant de noter que la passion est plus forte que la répression.
L’horizon 2016 apparait donc propice à un nettoyage des acteurs les plus contestataires d’un système cautionné et soutenu par les élites du football. Or, vider les stades français de ses ultras correspond à faire disparaitre la seule once d’ambiance et le seul moyen de remplir un tant soit peu les stades. Certains dirigeants l’ont bien compris et ont haussé le ton. En 2003, Gérard Rousselot, président de la commission de sécurité et d’animation dans les stades disait alors : «Aujourd’hui, à 85 %, ce sont les groupes ultras qui font vivre les stades». En février 2012, Francis Gillot alors entraineur des Girondins de Bordeaux s’exprimait ainsi : «Il faut trouver une solution. On a besoin d’eux, besoin d’un stade coloré. A Chaban, les tribunes se trouvent loin de la pelouse, si en plus on n’a pas l’appui de nos supporters, on va se trouver en difficulté. Il faut s’arranger avec la préfecture car je ne vois pas comment on peut continuer comme ça. Les supporters font partie intégrante du club». Ce soutien de responsables et dirigeants permet de rendre les groupes ultras plus légitimes à une période où ils sont rejetés d’un environnement dont ils sont pourtant des acteurs non négligeables et parmi les plus fidèles (contrairement à certains joueurs qui ne sont que de passage).
Des solutions existent pourtant dans d’autres pays, c’est le cas de la Norvège qui montre que le dialogue peut éviter une répression de plus en plus forte des pouvoirs publics. Au prix de démarches répétées avec le club, les pouvoirs publics et les pompiers, les supporters des clubs de Rosenborg BK et de Valarenga militent pour une nouvelle régulation concernant l’utilisation d’engins pyrotechniques dans les stades. La législation concernant les fumigènes pourrait d’ailleurs changer dès la saison prochaine.
Il faut également souligner que dans certains cas la passion est plus forte que la répression. En effet, prenons le cas de la Populaire Sud de Nice. Malgré la dissolution de la Brigade Sud Nice 1985 en 2010 l’ambiance qui règne dans cette partie du stade est toujours aussi chaude. De nombreux entraineurs reconnaissent aujourd’hui que venir jouer au stade du Ray est loin d’être une partie de plaisir car la ferveur du Kop niçois y est intacte. Les chants descendent de la tribune tout le long du match, des animations sont organisées régulièrement.
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J'ai toujours pense que l'on se trouvait plus du cote de la culture italienne quand on parlait de tifo...
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